Le duvet de sa toque ondule légèrement sous la bise. Yvan avance lentement. Sous ses pas la neige crisse et garde pour elle la trace d’Yvan, jusqu’à la prochaine tombée. Régulièrement, une nuée blanche émerge de ses lèvres séchées par le froid, givrant au passage une moustache blonde et épaisse. Le martèlement continue, les bras ont disparu sous le lourd manteauYvan avance toujours. Là-bas, il le sait, sa maison l’attend. Il verra d’abord au loin la fumée, peut-être aura t-elle un arrière-goût de ragoût. Yvan sent la salive envahir sa bouche .Il secoue la tête et accélère l’allure. Sprat !! Ses pas résonnent inlassablement sur les montagnes géantes, et l’écho s’éloigne sans que personne sur des kilomètres ne puisse l’entendre. Yvan sent la brûlure du froid sur ses paupières. Les sourcils et les moustaches sont gelés. De minuscules stalactites lui entaillent la peau. Il n’en peut plus....mais la nuit va tomber et il sera trop tard. Il revoit le traîneau couché, le cerf éventré laissant échapper de son flanc un ruisseau de sang. Yvan avait longtemps perdu connaissance, juste assez pour se réveiller transi de froid. Grâce à une douleur lancinante aux côtes, il devait en avoir une ou deux de cassées. Yvan s’en rend compte, malgré sa douleur il doit continuer. Un seul arrêt, de quelques minutes à peine serait fatalLa neige prend peu à peu la couleur bleu propre au crépuscule, le soleil maigre disparaîtra bientôt. Yvan le grand, Yvan le fort a dans la gorge une grosse boule. Il ne doit pas pleurer, les larmes auraient brûlé ses yeux. Empli de désespoir, il se met à courir. La température baisse vite et il peut avancer sur la neige gelée avec plus d’aisance. Il sait que la maison n’est plus loin maintenant. Son esprit ne répond plus. Il est glacé. Seule la mécanique puissante des ses jambes propulse vers l’avant son corps épuisé. La nuit est là....il se met à neiger. Le duvet du ciel tombe doucement recouvrant les pas d’Yvan. Les quelques bêtes ont disparu dans les entrailles chaudes de la terre ou dans les cavernes profondes.Seul ! Yvan court, court à perdre haleine. Il ne sent plus rien maintenant, il reconnaît à peine le chemin parcouru tant de fois en traîneau.Maria, lui avait bien dit de ne pas rentrer si tard...Mais Yvan n’écoute jamais personne. Il est supérieur. Il est capable de rentrer par tous les temps. Ces amis lui avaient enquis de rester...mais...de grosses larmes jaillissent de ses yeux et l’eau glacée coupe de milles amertumes ces joues. Il tombe lourdement au sol. Bien sûr, il aurait pu rentrer à la maison mais en traîneau, pas à pied, les côtes brisées. Etendu sur le dos, il aperçoit les étoiles scintillantes dans le noir. Il ne peut plus fermer ses paupières, il va mourir les yeux grand ouverts. Yvan, doucement, s’endort....Puis, comme un cantique, une voix parvient à ses oreilles, douce et tranquille. Maria chante. C’est la voix de Maria. Yvan, sans savoir comment, mu par une force extraordinaire, se lève, et s’extrait de la neige qui avait déjà formé un linceul blanc. Il avance en titubant comme porté par la voix, guidant ses pas jusqu’en haut de la colline. En bas, juste à quelques mètres ; la maison. Une effluve remplie d’odeur valse dans la vallée. Et Maria, chante, si fort.... Mais ni soucieuse, ni inquiète.Un grognement, un rugissement presque un hurlement retentit. Son corps froid et raidi s’élance sur la pente. Yvan court encore, touchant à peine le sol. Maria chante de plus en plus fort, elle le guide, Yvan ferme les yeuxIl se jette sur la porte, la faisant claquer, la cassant presque. Maria, assisse près de feu, remue un ragoût, et...murmure une mélopée. Elle susurre entre ses lèvres une chanson d’amour, d’une petite voix à peine audible. Yvan, lui l’avait entendue, la-haut sur la colline. Maria se retourne subitement et regarde avec horreur son mari ensanglanté et à bout de souffle. Mais, Maria ne doit pas s’alarmer. Yvan d’un seul coup s’est réchauffé. Oh non ! ni ses doigts, ni ses orteils, mais à l’intérieur comme si un feu incandescent, un soleil brûlant avait envahi son cœur
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Yvan
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Un peu "gnan gnan" j’en conviens...l’esprit de Noël peut-être.Toutes corrections sont acceptées, voire désirées.....