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Viviane Lamarlère

Nouvelles 17 mai 2005
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Dans la série des Odeurs qui réveillent les souvenirs...

Vallées.
Vallées de métal et de bouffe, quincaillerie et plastique, rayons aux couleurs travaillées, lumières biseautées, emballages désodorisés ou au contraire diffuseurs d’appétits.
Vallées ouvertes comme des courtisanes, souveraines incontestées de nos désirs .
Vallées toutes dévouées à l’urgence de se faire du bien .

On vit une époque formidable.
Le marketing épaulant un travail de fond sur les valeurs naturelles, de plus en plus de produits ménagers ou d’hygiène, après avoir vendu à prix d’or leurs artificielles couleurs de vie, en vantent aujourd’hui la transparence. Telle eau démaquillante, telle lessive claire comme le jour, tel gel pour la peau... Même les parfums s’évertuent à reproduire la non-odeur.
Vallées, ces travées bigarrées aux marchandages courtois, aux boubous palette de peintre, aux grands pains de glace et de savon de Marseille somnolant puis fondant côte à côte, n’attendant que le chaland pour se laisser guillotiner et répandre leurs copeaux de verre froid et d’odeurs sur la poussière ferreuse.

Vallée de souvenirs
Dans ma vallée magique vivaient des crapauds buffles,
Des escargots énormes et brillants
Comme la pierre des volcans.
Chaque soir dans mon lit les emmenais dormir.
Au matin effaçant les traces de leurs pas
Ma mère au grand soleil
Etendait les draps
A la douce odeur de savon de Marseille...

L’odeur du savon de Marseille a bercé mon enfance aussi sûrement que les collines de Binjerville et ses vallées vert pomme, non loin de la plage d’Abidjan, à la barre plus épouvantable que les mâchoires d’un grand requin blanc.
Vallées dont l’ampleur était certainement fantasmée.
Salutaire odeur de propreté dans des pays souvent maculés par les guerres, les affrontement tribaux, et surtout, surtout, la pauvreté comme seul vêtement.
La pauvreté qui encrassait les regards et les peaux et dont la lourde épaisseur rendait impossible l’idée de légèreté attachée à la joie d’avoir été mis au monde.

Vallée des déforestations à marche forcée nettoyant la nature de ce qui aurait pu la maintenir en vie.
Vallée de pus coulant des yeux parasités qu’aucun savon, aucune médecine ne calmait. Là bas, on pratiquait - encore plus vrai aujourd’hui - une médecine de guerre.
Cubes noirs et gris des bidonvilles de tôle ondulée et de cartons, agglutinés aux portes des villes naissantes par la colle entêtante de cet avoir ce qui ne sert à rien là-bas pour vivre bien ou mieux
Cube ivoire du savon et ses vallées de mousse aux prismes en demi bulles emplies de l’arc en ciel.
Odeur fraîche et blanche de ces draps se nourrissant du soleil dans des pays de faim, de peur et de soif.

Vallées du Rif.
Bleu parme du ciel au-dessus des cimes rases, arroyos secs d’un bout de l’année à l’autre mais explosant leurs grenadiers et lauriers fleurs aux racines carnassières.

Douce vallée où j’apprenais les joies et les inquiétudes de la maternité. Mon bébé au sein, assise sur les quelques marches donnant dans le jardin broussailleux et dénutri, je regardais sans me lasser le vent flanquer des taloches aux rectangles inégaux suspendus à un fil et qui se raidissaient heure par heure, dans un blanchiment éblouissant comme la mer.
C’était une époque où on ne trouvait pas encore ces couches culottes pré-moulées pour les bébés et où on les langeait avec de belles couches de tissu que chaque lavage rendait plus douces. Bien sûr, c’était tout un travail que ces dix couches par jour à frotter à la main, étendre, repasser, mais quelle volupté de les voir s’alléger de leur eau au soleil, d’en caresser le fin tissage encore tiède, et surtout de respirer cette odeur de propre laissée par le cube blanc dans la trame. Pas de soucis de rougeurs chez les bébés avec ce produit-là.

Depuis, j’en embaume la maison. Tout y est lavé, dégraissé avec ce vieux produit que ma grand-mère utilisait, mélangé à de la cendre pour laver les draps et dont je vois bien chaque jour dans les grandes surfaces qu’on en ressort les vertus sous différentes formes plus ou moins assaisonnées de compléments chimico-barbares.
Oserai-je dire que je n’ai jamais utilisé d’autre démaquillant ? Allez, j’ose. L’odeur de l’enfance, pour toujours, sur les murs, les sols, les portes, le linge et la peau. Dans mes vallées paisibles et, un rien, certaines nuits, en contraste noir et blanc.

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