Madame Carret va, vient, vit dans son trois pièces et sa rue. Elle n’a jamais connu d’autres paysages que sa petite ville de province. Aujourd’hui, comme d’habitude, elle a passé tout son temps entre le ménage, les courses et la cuisine à préparer. Cuisine ? Façon de parler ... un plat de nouilles, une tranche de jambon et une pomme.
Madame Carret, fatiguée de ses travaux s’assoit au près de la fenêtre pour retrouver son souffle. Rien à l’horizon, tout est triste Madame carret s’endort, une gamine entre dans son rêve.
La gamine - Bonjour madame Carret, que fais tu assise toute seule à cette fenêtre ?
Mme Carret - Tu ne vois pas que je me repose ? Depuis ce matin je travaille sans arrêt, ménage, courses, cuisine puis courses, cuisine, ménage.
La gamine - Bon ! J’ai compris, la routine, quoi. Tu n’as pas autre chose à faire que cela ?
Mme Carret - C’est toi peut-être qui feras ça à ma ma place ? Je suis seule, je suis bien obligée.
La gamine - Il n’y a pas que ça dans la vie. Où sont tes rêves ?
Mme Carret - Le rêves, c’est quoi ?
La gamine ( surprise) - Tu ne sais pas ce que c’est que des rêves ? Mais qu’est-ce que tu as foutu pendant quarante ans ?
Mme Carret - Euh ! Ménage, courses , cuisine...
La gamine - Et bla bla bla et bla blabla ... stop ! Tu nous la scies dure ta vie. Il n’y a pas que cela dans le monde.
Mme Carret - ( étonnée) Ah bon ! Il y a quoi alors ?
La gamine - La lecture, la peinture, la musique, les voyages, tu n’a jamais voulu voyager ?
Mme Carret - Pourquoi faire ? Je suis bien là.
La gamine - Ne me dis pas que tu es bien entre ces quatre murs et le coin de la rue où tu fais tes courses.
Mme Carret - J’ai toujours vu que ça, alors ça me convient.
La gamine - Tu n’as pas de télé, pas de livres, la seule chose que tu possèdes est un vieux transistor qui grince lorsque tu l’allumes. D’où sors tu ?
Mme Carret - De ma mère.
La gamine - Ta mère était plus intéressante que toi, elle lisait, elle peignait. Pourquoi n’as tu pas fait pareil ?
Mme Carret - Tu n’y penses pas. C’était une femme de mauvaise vie.
La gamine - Où as tu été chercher de pareilles idioties ?
Mme Carret - C’est mon père qui me l’a dit. Il était intelligent ... mon père.
La gamine - Intelligent ? Non, instruit oui mais qu’en a t il fait de son instruction ? Dis moi, te réduire à sa merci avec sa morale, sa rigidité. Ah ! Il a très bien réussi ton père. Tu es devenue un légume desséché, inutile.
Mme Carret - Moi desséchée, inutile ? Tu y vas fort là.
La gamine - Je veux te faire réagir sur ta vie de demeurée.
Mme Carret - Tu sais ce qu’elle te dit la demeurée ?
La gamine - Dis moi ce qu’elle me dit l’idiote.
Mme Carret - Vas te faire voir ailleurs.
La gamine - C’est tout ce que je te t’inspire ? Eh bien dis donc cela ne vas pas loin, ta colère. Tu es pathétique ma pauvre fille.
Mme Carret (s’énervant)Je ne suis pas une pauvre fille, mon père m’a laissé de quoi vivre pendant des années.
La gamine ( ironique) Je suis d’accord, il t’a laissé de l’argent mais ce n’est pas cher payé pour le dévouement que tu lui as prodigué. Toujours à son service, quelques heures dehors, juste pour les courses. Le reste du temps, il te fallait courber l’échine. Aucun moyen de te trouver un gentil fiancé, te marier et d’avoir des enfants ... le lot de chaque femme dans ce bas monde.
Mme Carret (attristée) - Des enfants, j’aurais voulu en avoir, malheureusement cela ne s’est pas fait.
La gamine - La faute à qui ?
Mme Carret - Mon père était malade, je me devais de le soigner, j’étais sa fille, je ne pouvais pas le laisser tomber.
La gamine - Tu l’as bien fait pour ta mère alors pourquoi pas pour ton père ?
Mme Carret - Je te l’ai dit ma mère filait un mauvais coton avec sa peinture et tout le reste.
La gamine - Tu le penses toujours ?
Mme Carret - Oui, une femme se doit à son mari et à ses enfants, le reste , elle doit l’oublier.
La gamine - Et ne plus exister par elle même ?
Mme Carret - Lorsqu’on se marie c’est pour les autres non pour soi, on doit s’oublier.
La gamine( triste) - J’ai fait tout ce que j’ai pu pour te convaincre que tu n’avais pas d’existence. Je n’y suis pas arrivée ... hélas ! Je m’en vais, je ne vais plus jamais te déranger, bon ménage ... salut.