-Bon alors on la fait quand cette expérience ?
Demanda Danielson à Finec.
-On a dit que c’était ce soir , non ?
-On l’a dit, y a plus qu’a......
M. Finec à la fois richissime et fainéant, sexagénaire et adolescent, dur en affaire et fleur bleue, les pieds sur terre et "gambergeur" de première vivait dans le sud de la France.
Il habitait une immense maison cubique envahie de grandes baies vitrées.
Il tirait ses revenus de la location d’un bonne centaine de bureaux situés à la défense.
Son actuelle compagne comptant une moitié d’heure de vol au compteur venait et sortait de sa vie autant de fois que bon lui semblait, c’est à dire assez souvent.
En revanche une troisième personne partageait sa vie à temps complet.
Il s’agissait du docteur Danielson, neurologue rayé de l’ordre des médecins pour on ne sait trop quelle raison.
Les passes temps favoris de Finec étaient l’alcool, les femmes et la gamberge avec son copain Danielson.
Pour les femmes il avait déjà beaucoup donné et ce ne semblait plus être sa préoccupation principale.
Par contre en ce qui concerne l’alcool et les délires alors là il semblait "progresser" de jour en jour.
Et il faut bien dire que si l’un est propice à l’autre, l’autre l’est aussi à l’un.
Ses questionnements étaient ceux de tous les hommes que fais je ici ?
La vie , la mort, la réalité , les rêves tout ça tout ça........
Cela devenait une obsession.
Il ne croyait en rien et surtout pas en lui.
Il pensait qu’il était impossible que l’on puisse exister, que quoi que ce soit puisse exister d’ailleurs.
Car si un jour il y eut le néant, s’ il est scientifiquement prouvé que de rien on ne peut pas tirer quelque-chose alors on est toujours le néant.
Étonnant non !
Il pensait que le père Noël c’était pour les gosses et que les adultes lorsqu’ils avaient cessé d’y croire s’en remettaient à Dieux le père, substitution d’un père par un autre tout aussi hypothétique.
C’est ainsi qu’il se mit en tête de percer les mystères de la vie, de la mort.
C’est fou comme on peut devenir à la fois présomptueux et abruti lorsque l’on est oisif et alcoolique.
Par chance il avait fait la connaissance de Danielson.
Il s’étaient évidemment rencontré dans un bar , et s’étaient tout de suite compris .
Le whisky décuple parfois l’amitié surtout lorsque un seul des deux peut s’en payer.
Danielson dépendant de l’alcool l’était devenu de Finec qui lui fournissait le gîte , le couvert et la boisson tant désirée.
Finec dépendant de la même boisson écossaise l’était aussi de l’érudition et des travaux de son ami.
Lors d’une beuverie Danielson avait laissé entendre à son fournisseur qu’ il était sur le point de pouvoir percer les mystères des rêves et de prouver l’existence de l’âme.
Et c’est ainsi que Danielson fut installé dans le sous-sol de la bâtisse.
Il disposait d’un laboratoire qu’aurait envié un chercheur du CNRS.
Il pouvait dépenser sans compter pour financer ses expériences, chaque fois qu’une facture arrivait il faisait un chèque grâce à la procuration qu’il détenait sur le compte de Danielson.
Sa chambre équipée d’un lit et d’un écran plasma
jouxtait le théâtre de ses expériences.
Des diplômes Danielson en avait mais il était aussi dépositaire d’un savoir qui n’était malheureusement pas encore enseigné dans les facultés non pas par manque de moyens mais par défaut d’imagination.
Alors qu’il était encore gamin Danielson s’endormit et fit un rêve qui allait le laisser perplexe tout au long de sa vie.
Dans ce songe il se promenait dans la rue lorsque un pot de fleur lui tomba sur la tête. Il se réveilla immédiatement et ne compris pas comment son cerveau avait pu fabriquer ce rêve et lui faire tomber ce pot sur la tête à son insu.
Cela l’avait grandement perturbé.
En effet comment son propre esprit pourrait il se surprendre lui même ?
Ce n’était qu’un enfant et c’est à cet instant qu’il se jura de percer les mystères des rêves.
Un jour c’est sûr il ferait sortir les rêves de la tête des endormis et les retransmettrait sur un écran via un ordinateur.
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Et ce soir on allait enfin regarder dans les songes d’un homme.
Il fallait un cobaye et nos deux compères avaient jeté leur dévolu sur un clochard ramassé le long d’un trottoir de la ville sale.
On lui avait proposé 5000 Euros pour participer à une expérience sans danger et il accepta rapidement.
On le dépouilla non pas de ses richesses mais de ses poux ,on le doucha , le moucha, et on le rhabilla proprement d’une blouse blanche .
Puis on le piqua.
Il s’endormit rapidement et fut couché sur un lit.
Le professeur Danielson lui rasa la tête.
Puis il pris la scie et décalotta le haut du crâne.
Un masse grise et rouge mélange d’intelligence et de 11° apparue et il plaça dessus une sorte de kippa destinée à capter et décrypter les ondes électriques puis à les renvoyer vers un ordinateur capable de les retransmettre sur un écran.
Quelques minutes plus tard une image apparue tout d’abord saccadée puis fluide et de bonne qualité .
Parallèlement le son lui fut net dés la première seconde.
On enregistra le premier rêve de ce personnage nommé Claude Deau.
Ce songe d’un jour d’hiver montrait une voiture roulant sur une route de campagne enneigée , le compteur de vitesse numérique indiquait 85 kmh.
Soudain un camion arriva en face et contraignit notre Claude à faire un écart , la voiture dérapa alors et fut projetée sur un rail de sécurité.
A ce moment là Claude se réveilla puis mourut et le rêve cessa brutalement.
Danielson et Finec prirent le malheureux et l’enterrèrent dans le parc.
-Je t’avais prévenu il y avait un risque dit Danielson.
-Oui je sais ,mais on ne fait pas d’expériences sans casser des cobayes !
Et en plus cela nous fait économiser 5000 Euros , on pourra en investir 3000 dans tes expériences et en boire 2000.
Une fois Claude Deau enterré ils partirent se coucher non sans avoir descendu deux bouteilles.
Le lendemain nos deux illuminés décidèrent d’analyser ce rêve dans ses plus petits détails.
Marque de la voiture, type de revêtement de la chaussée, vitesse,
condition météorologique, angle de braquage au moment de l’embardée....
Toutes ces données furent entrées dans l’ordinateur.
On réalisa même l’expérience en condition réelle sur la route.
Le résultat fut troublant car que ce soit dans le rêve, par l’intermédiaire de l’ordinateur ou sur la route , les conclusions furent quasiment identiques.
La voiture dérapa en effet de la même façon et le point d’impact sur le rail de sécurité se retrouva au même endroit.
Danielson alluma une cigarette , il était perplexe comment un clochard analphabète et ne sachant conduire une automobile pouvait il se retrouver au volant d’une Twingo .
Comment l’habitacle de cette voiture pouvait il être exactement conforme à la réalité, comment cette voiture pouvait elle réagir comme dans les conditions réelles ?
Un cerveau lambda serait ainsi capable de mémoriser l’intérieur d’une automobile seulement aperçue sur un trottoir, de connaître les subtilités de la conduite sans jamais avoir appris à conduire, de calculer une glissade et un choc en intégrant des phénomènes aussi divers que la vitesse, le poids les conditions météorologiques ...etc.
Déjà pour le cerveau d’un prix Nobel cela paraît impossible , alors que dire de ces prodiges réalisés par l’intelligence d’un clodo n’ayant jamais ouvert un livre pour autre chose que pour en détacher une page afin de se torcher le cul !
Le cerveau serait ainsi capable et à l’insu de son propriétaire de calculer en une fraction de seconde des millions de données, chose que le plus puissant des ordinateurs est incapable d’effectuer.
Danielson et Finec visionnèrent à nouveau le film de ce rêve, celui ci ne durait pas longtemps environ 22 secondes.
Ils le passèrent puis le repassèrent et c’est Finec qui s’aperçu que dans le rétroviseur de la voiture la petite tâche noire qu’il pensait n’être qu un défaut de l’image semblait s’animer.
Il fit donc effectuer un zoom sur cette partie de l’image et là on vit même si l’image n’était pas excellente que c’était en fait un loup avec la gueule béante qui poursuivait la Twingo .
Ce loup avait de surcroît la particularité de ne pas courir sur quatre pattes mais bien de rouler sur quatre jantes lenticulaires du type de celle utilisées par les coureurs cyclistes.
Alors Danielson qui le pressentait fut conforté dans ce qu’il pensait : les rêves font cohabiter des choses exactement conformes à la réalité et d’autres qui relèvent des chimères.
Ou quand la réalité scientifique et l’absurde font bon ménage pour créer le songe.
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Il partit alors dans une litanie dont il avait le secret :
-Le rêve ne serait il qu’une scène de vidéo pré- enregistrée diffusée dans le sommeil ?
Ou serait il du théâtre avec ses surprises et les aléas du direct.
Et encore un théâtre ou l’histoire ne serait pas figée et ou elle ne serait pas connue de son auteur , un peu comme la vie en fait.
Et lorsque la scène se révèle être inimaginable dans la vie par exemple lorsque l’on vole dans les airs.
Le cerveau fait il en sorte que le l’homme devienne plus léger que l’air ,
Le rêve répond il lui aussi au lois de la physique.
Ou fait il des trucages et des effets spéciaux qui feront que cette scène soit réalisable.
A t-on une partie du cerveau qui se charge des effets spéciaux et avec quel moyen ?
Car on le sait bien les effets spéciaux coûtent très cher.
Le rêves américain auraient-ils plus d’effets spéciaux que le songe Français ?
Assurément oui !
Danielson alluma une cigarette , Finec buvait ses paroles , ça le changeait du Whisky.
Puis l’ancien médecin réouvrit la bouche.
-Notre pensée se nourrit d’images , de mots.
Ainsi lorsque l’on voit une jolie fille on pense qu’on lui ferait bien l’amour ou plutôt volontiers l’amour car bien , cela il n’y a qu’elle qui pourrait en attester .
Donc on lui ferait volontiers l’amour, on imagine ses courbes , son odeur son toucher de peau etc ...
Donc la pensée découle apparemment d’un fait réel bien existant.(en admettant que la femme soit un être avéré)
Cela marche encore lorsque l’on voit un film ou que l’on lit un livre.
Là ce n’est pas réel ou palpable mais l’image ou le mots sont devenus le support de la pensée, de l’imagination et cela fonctionne encore.
Mais essayez donc de penser à votre dernière conquête, fermez les yeux , remémorez vous des instants agréables.
Ici c’est la mémoire qui sert de support à la pensée, mais l’image n’apparaît pas , le noir reste derrière vos paupières.
Dans un rêve le cerveau travaillerait mais sur quelle base ?
Pas sur l’image, et portant il en crée à l’intérieur même du songe
Sur la mémoire, peut être ?
Mais pas seulement.
Sur d’autres informations venues d’on ne sait ou et sur lesquelles il pourrait en ajouter d’autres et ainsi changer le cours du rêve ?
Finec commençait à perdre pied et demanda alors à Danielson
-Que peut on conclure de ce songe, d’ou viennent donc les rêves ?
-Tout ce que l’on peut dire c’est qu’ils ne découlent pas uniquement du cerveau, conscient inconscient ou subconscient mais qu’il y a une autre source extérieure que l’on ne peut pour l’instant définir.
Quelques jours plus tard Danielson fut hospitalisé suite à un comas éthylique.
Finec se retrouva seul.
Il reçu une facture à payer au nom de Danielson. qui émanait d’une boite de production.
Il se renseigna auprès de cette société et il apprit que celle ci avait réalisé un film ou une Twingo roulant sur la neige rentrait dans un rail de sécurité.
On lui expliqua que si la facture était si salée ce n’était pas pour éviter à la voiture de déraper mais à cause des effets spéciaux et en particulier parce-que la scène du loup dans le rétroviseur avait été très difficile à réaliser.
Cette expérience n’était donc que du pipeau.
Les rêves prétendument enregistrés dans le cerveau de cet homme n’étaient en fait que des scènes tirés d’un film tourné en extérieur !
Finec était désappointé mais cela ne dura pas.
Certes Danielson l’avait berné mais ce n’était pas parce-qu’il s’agissait de fausses expérimentations que sa démarche et surtout son analyse était erronées !
On n’a pas toujours besoin de prouver l’existence des choses afin qu’elles existent .
Il pensait que Danielson n’avait pas besoin de prouver scientifiquement ce qu’il pensait mais que ce serait quand même bien si il y arrivait un jour .
Et il y arriverait c’est sûr mais pour cela il fallait qu’il revienne qu’il sorte de l’hôpital.
Il lui manquait déjà terriblement un peu comme s’ il était orphelin d’espérance.