Cachée derrière mes mots, je le vois, il me regarde.
Je sens ses yeux sournois, cherchant l’erreur, la faute, le non-sens. Il est là, critique, acerbe, il fouille, décortique, lit et relit, afin de mieux m’assassiner.
Il ne sait pas que je l’observe, derrière cette phrase sibylline, je l’attends derrière la virgule, et au point virgule, il hésite, revient en arrière et repart de plus belle dans sa lecture. Un point, il s’arrête. Je devine derrière ses lunettes un soupçon d’amusement, qu’il croit pouvoir cacher.
Il avance lentement, sa lecture se fait sournoise, il cherche entre les lignes à découvrir la faille, le petit détail qui cloche, il trépigne de rage, revenant sans cesse, soulevant les mots... Il transpire, il s’agite, ne trouvant rien à se mettre sous la dent.
Je jubile derrière la page, qu’il n’a pas encore tournée, j’ai mis le temps, mais tout est parfait.
Il referme la double feuille perforée, met avec peine un 18/20 au-dessous de mon nom et ce petit commentaire "excellent". La page est noire, pas un trait rouge ne la souille.
Je savais qu’un jour je te surprendrais,je savais que j’y arriverais, toi qui m’as fait tant de peine ! toi qui m’as si souvent mise plus bas que terre, toi qui m’as dégoûtée de mon propre nom de famille, toi qui riais si fort quand tu me remettais ma copie, toi mon professeur de français de 2e scientifique !