Elle est lisse et immaculée tel un lys, parée du mystère de son hymen.
Sereine, sagement vêtue d’une robe blanche qui ne dévoile rien de ses charmes, les yeux clos, elle est allongée dans un parc silencieux et laisse voyager son imagination.
Dans le secret de son jardin, elle songe au poète qui lui raconterait l’histoire de ses rimes restées muettes de ne pas l’avoir rencontrée plus tôt et qui lui confierait alors l’énigme de ses vers qui la sublimerait.
Un poète ou peut-être un musicien qui lui écrirait une sonate au clair d’étoile qui la submergerait d’émotions et donnerait enfin un sens à sa vie.
Toute à son rêve, elle n’a pas réalisé que, profitant du soir qui tombe, une bande d’adolescents oisifs qui flanaient dans les allées désertes se sont dissimulés à proximité et l’observent. Ils n’ont pas l’air de démons et, dans la pénombre, ils font plutôt penser à des enfants désoeuvrés qui jouent aux conspirateurs.
Son intuition finit par l’alerter de cette présence qu’elle ne peut voir et qui la fait frissonner, sans savoir encore s’il s’agit de frissons de volupté ou de crainte. C’est peut-être, se dit-elle naïvement, ce qu’elle attend depuis si longtemps et qui, délicatement, veut lui révéler son existence sans l’effaroucher.
Quelle impardonnable crédulité !
Enhardis par l’immobilité et la confiance de la belle, les comploteurs s’en approchent à pas de loup. Sortis de l’ombre, ils révèlent leurs regards concupiscents de voyous qui s’organisent à mots couverts pour ravir la virginité de l’ingénue.
Lorsqu’ils se penchent au-dessus d’elle, elle croit les reconnaître et leur sourit en se disant que parmi eux se trouve peut-être son bonheur et qu’ils respecteront son innocence.
Quelle fatale naïveté face à leur monstrueux désir que rien ne peut arrêter. Aucun scrupule, aucune pitié.
Il leur faut posséder à tout prix cette facile proie. Qu’importe ses rêves, ils ne peuvent réprimer leurs pulsions diaboliques qui les poussent à commettre l’irréparable comme si c’était là leur seule façon d’exister.
Lorsqu’elle réalise l’abomination de leurs intentions, il est déjà trop tard.
Ils se jettent sur elle et la prennent l’un après l’autre en une chaîne ininterrompue. Ils assassinent son rêve et pillent le trésor qu’elle gardait pour son poète.
A quoi bon essayer de résister ? Ils sont les plus forts et s’impriment inexorablement dans sa chair.
Et c’est ainsi qu’une bande de mots voyous vient de violer sous vos yeux cette page qui fut blanche et se trouve désormais noircie à jamais !