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Bartabac

Nouvelles 9 octobre 2007
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Presque aucune vie n’est banale et la plupart d’entre nous, bien que la maudissant au moins deux fois par semaine s’accroche comme un pou à son lopin d’existence, dressant fièrement un panneau propriété privée au milieu de son champ personnel. Moi je n’avais rien du pou. Ma mère m’avait trop appelée Morpion pour que je me sente à l’aise dans les baskets de ce lointain cousin. Ma vie à moi, elle l’était vraiment, banale. Trop régulière, trop lisse, trop vide. J’ai essayé un temps de combler ce trou béant du quotidien par des mecs qui se prenaient pour des hommes. Tous étaient insipides et trop...carnés. Leurs courts poils se disputaient leur dos avec des boutons purulents qui ne me rendaient pas encline au coït. J’ai donc délaissé les hommes pour les femmes et ai partagé la couche de moultes représentantes du deuxième sexe. Leur peau était douce, leur corps harmonieux, tout de courbes vêtu mais aucune n’a fait frissonner mes ovaires. J’ai donc délaissé les femmes pour d’autres héroïnes et me suis piquée allègrement en tous les lieux par tous les temps. Enfin, j’ai opté pour l’évasion, le point final, l’apothéose de l’Ego. A coups de lames de rasoir empruntées au Beau-Père. J’ai taillé vite, j’ai taillé profond, j’ai crié trop fort, on m’a secourue.

J’en ai déduit que j’avais assurément l’inconscient d’un pou et freudement résignée, ai laissé mon ça me maintenir en ce bas monde. J’ai autorisé mon corps à vivre et tué mon esprit à coup de normes et de postures apprises. Je vivais le monde en ethnologue, observant des us étrangères et tentant gauchement de les reproduire. J’en étais là quand je t’ai rencontré, que ton univers et le mien se sont cognés à un coin de rue.

Tu vivais la vie comme un automate. Un sourire aux lèvres mais le renoncement s’accrochait à tes yeux, poussant au travers de tes cils comme de la mauvaise herbe. Tu promenais ta distance dans des endroits chaleureux, observant du comptoir du troquet les vies abîmées. Tu sortais toujours avant que le café ne ferme, évitant habilement les épanchements de fin de soirée. Tes poignets portaient de fines cicatrices que je reconnaissais comme étant les miennes. Tu bouffais les illusions, les éruptions cutanées de joies et de chagrins, les effaçant sur les autres d’un revers de la main. Longtemps je t’ai regardé à la dérobée. Tu ne me voyais pas et quand tes yeux erraient sur la salle enfumée, je m’empressais de m’entourer de néant. Longtemps, j’ai payé juste après toi de maigres additions. Je t’ai épié maintes fois en train de relever ton col, de regarder tes pieds comme pour vérifier qu’ils adhéraient à l’asphalte. J’ai emprunté à quelques mètres de toi les petites ruelles mouillées que d’oranges lampadaires réchauffaient. Je me suis collée à la porte que tu venais de clore, me frottant à l’obstacle de bois et de froid qui me séparait de ton corps. Les lumières s’allumaient au deuxième étage et je me repaissais de tes ombres.

Un jour tu n’es plus venu dans notre café. Tu as déserté. Et moi, la diaphane, tu m’as abandonnée, sans le savoir mais le mal était fait. Je ne me suis plus reconnue dans mon miroir matinal. J’avais la face ravagée. Des creux de tristesse, des bosses de nausée avaient strié mon front. Je ne me suis plus reconnue et j’ai trépigné. De colère, d’impuissance, d’injustice et de lâcheté. Je t’avais aimé. J’ai recouvert le blanc de mes murs de reproductions de tableaux, acheté des services à thé et des yaourtières, empli ma cuisine de ciboulette à ciseler, déversé dans ma vie des hectolitres de bibelots. Rien n’y a fait. J’ai comblé ton absence de déchirantes lectures, des Harlequin à Meyer Levin. J’ai collé les pages des Danielle Steel aux pleurs englués dans mes nuits fragiles. Je t’ai adoré à 6 heures, maudit à 10, renié à 19 et me suis installée avec espoir le soir venu au troquet. Mais tu ne reparaissais toujours pas. J’ai fini par prendre peur pour toi, ou pour moi, enfin... pour nous. Dans mes pires cauchemars, tes poignets gouttaient au dessus d’un lavabo au rouge dilué. Tu n’entendais pas mes récriminations, mes comment-pourquoi-fais pas ça et tu continuais à te séparer de toi, ou de moi, enfin...de nous.

N’y tenant plus, j’ai emprunté nos ruelles aux rigoles engorgées. J’ai mouillé mes chaussures et laissé baigner mes orteils devant ta porte fermée. J’ai attendu la nuit pour voir s’éclairer le salon, la cuisine, la chambre. Mon espoir ne fut pas déçu et sans rien projeter, je suis entrée dans l’escalier en colimaçon qui menait à toi. J’ai frappé à la porte, rien ne s’est passé. Sur le pallier, mon souffle haletait, effrayé. J’ai vociféré, shooté dans les huisseries, fait jouer la poignée et suis tombée dans tes bras dont la pudeur m’a extraite en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Tu m’as regardée, à peine étonné et j’ai défriché un à un le chiendent de tes cils. Tu m’as lovée contre toi et portée jusqu’à ton lit doux de tendresse fatiguée. D’un revers de la main, tu as effacé mes désillusions sur un monde fané.

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