Dans l’eau claire de mes yeux serpente une rivière au cœur d’une grande prairie où galope un cheval, robe auburn et crinière sombre. Le soleil est à son zénith et les nues immaculées me renvoie comme un miroir son image aimée. Je m’allonge dans l’herbe tiède, cueille une pâquerette que j’effeuille en rêvant à demain. Demain... demain si loin, si doux, si tendre... demain, mot magique au parfum d’espérance et de certitude.
Dans l’eau trouble de mes yeux une ombre rouge sang fracture ma mémoire puis la brise en mille larmes. Le ciel s’obscurcit et l’horizon se perd et s’éloigne de moi comme un songe inaccessible et glacé. J’ai froid, j’ai peur, perdue face à l’abîme de la mort, seuls me restent l’oubli ou le renoncement. Demain... demain si proche, si douloureux, si intolérable... demain aux accents d’absence et d’abandon.
Dans l’eau claire de mes yeux fleurissent des lys blancs entêtants et capiteux, des pivoines poivrées aux carmins incendiaires. L’aurore s’habille d’azur et d’or dans le bourdonnement sourd des abeilles enivrées de pollen et des rires d’enfants. J’ai imaginé ton cœur, j’ai imaginé ton âme et j’y ai cru au-delà de mes forces. Demain... demain c’est aujourd’hui... demain au creux de mes paumes toujours réinventé.
Dans l’eau trouble de mes yeux passe le temps et la lumière se fane au rythme des saisons. Mes mains n’ont plus la force de chercher les tiennes et mes mots se meurent d’avoir perdu l’envie. La nuit vient peu à peu et le feu se consume comme une étoile éteinte. Demain... c’était hier... demain, c’est le silence d’un jour sans fin
Dans l’eau claire de mes yeux flottent des feuilles mortes comme au ciel passent des nuages. Passé égaré, présent voilé par ton regard aux reflets d’ombre brûlée où l’avenir n’est plus qu’un obscur souvenir...