Je me rappelle de cette histoire et je vais vous la raconter. Nicolas était qu’un petit enfant...Tous les ans je partais à la campagne l’été, plus précisément à Saint Nicolas de La Grave dans le Tarn et Garonne. Il faisait très chaud et très beau. La demeure était faite de brique rougeâtre et un pigeonnier flanquait ce bâtiment. Elle trônait sur un des versants de la vallée où s’écoulait lentement la Garonne. Un petit court d’eau parcourrait nos champs de mais. Toute la famille chaque été se retrouvait réuni dans cette maison.Cet après midi on partait pêcher. J’allai récupérer avec ma grand-mère les cannes à pêche dans la vieille grange. Elles étaient assez rudimentaires, fabriquée avec le bambou qui avait poussé près d’une des mares. J’aidai ma grand-mère à préparer le matériel. Mon oncle regarda par la fenêtre du salon les champs et la rivière. Je montai à l’étage dans ma chambre pour mettre de vieux vêtements. Les ronces et orties peuplaient les rebords des champs et du cours d’eau.Ma mère m’appela et ils étaient tous prêts sauf moi. Je dévalai les marches usées et recouvertes d’un tapis vert. Arrivé dehors, nous descendîmes tous ensemble la pente jusqu’aux champs. Je progressai difficilement dans les plantes et j’atteignis un petit pont sur lequel un portail avec des barbelés bloquait ma route. Mon père me talonna et sortit une clé de son pantalon. Le portail cadenassé fut ouvert.Je courai avec ma canne à l’affût d’un excellent emplacement. Mon frère me suivit et le reste de la famille avançait tranquillement au loin. La compétition battait son plein avec mon frangin...Le ruisseau se faufilait entre plusieurs chênes au rebord de la propriété. A l’ombre des feuilles charnues, j’aperçus un immense poisson. Je restais immobile et très surpris. Mon petit frère s’arrêta à côté de moi et eut exactement le même comportement. La bête me semblait bizarre dans sa forme et elle mesurait au moins cinquante centimètres. Je n’avais pêché jusqu’ici que de petits misérables gardons ne dépassant jamais les dix centimètres pour les plus gros. Ce monstre me narguait, dans ce cours d’eau minuscule aujourd’hui.La troupe familiale débarqua et ce fut une toute autre réaction. Ma grand-mère cherchait dans sa mémoire quel bon vin du pays pourrait se marier avec ce plat ce soir. Mon père se répétait que la chair devait être très tendre. Et ma mère se demandait comment on allait le cuisiner. Ce gros poisson paisible n’était pas incommodé par notre présence et encore moins les discussions en cours sur son avenir. Il était devenu un spectacle, mes yeux envieux et ceux de mon petit frère le dévisageaient car c’était une belle proie à attraper quant aux yeux des autres, ils étaient en symbiose avec leurs estomacs.J’entrepris de faire le tour de la rivière et je repérai deux autres brochets du même gabarit. Mes parents étaient contents, tout le monde allait pouvoir manger à sa faim ce soir !Ma grand-mère et mon père installèrent le matériel avec moi et mon frangin. Les cannes étaient montées et on avait choisit des fils très résistants. Mon père et mon oncle cherchaient à savoir à vue d’œil quel était le poids de la proie tout en discutant des vins à choisir et de la cuisson...Tout était prêt. Un petit vers s’agitait nerveusement sur l’hameçon que je venais d’attraper. Je fis un mouvement pour envoyer ma ligne vers le brochet. L’asticot sombra jusqu’à se trouver au niveau de la bouche du poisson, exactement trois centimètres devant elle.Tout le monde examina le poisson. Le vers bougea et le poisson ne broncha pas. Cette situation avait perduré pendant plusieurs heures et mon frère s’y était mis aussi. Nous fûmes très énervés car ces abrutis de poissons refusaient de mordre. Mes parents étaient désolés, ma grand-mère aussi et mon oncle cherchait une solution. Nos souhaits d’enfant étaient tombés à...l’eau. Il fallait se rendre à l’évidence, ces poissons n’allaient jamais mordre à nos hameçons.L’histoire aurait bien pu s’arrêter ici, mais la vue d’un magnifique repas qui vous narguaient n’était pas supportable pour les adultes m’entourant. Mon père toujours très ingénieux (et ingénieur de métier) vînt de nous promettre qu’on allait manger du brochet le soir. Les yeux plein d’admiration, je m’attendais à ce qu’il trouve une solution pour que ces fichus bêtes pussent se décider à saisir les hameçons.La nuit approcha, il partit dans la maison et revînt. Les trois poissons, un peu trop sûr d’eux, furent abattus par mon père au fusil de chasse.Le soir nous mangeâmes du brochet en crachant le plomb dans une assiette.
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Pêchons !
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