Je fuis ma solitude. Je fais du lèche-vitrine. A cette heure ci, les rues grouillent de monde.Je regarde. Je regarde mais je n’entre pas. Je déteste ... je déteste la foule râleuse, cette foule désagréable et stressée. Je déteste l’ambiance des derniers achats de Noël. Je déambule, je me laisse aller. La fantaisie me pousse. Guidée par le hasard, je profite des illuminations. Dans les vitrines, les pères Noël en mousse taquinent les poupées de porcelaine en tenue de soirée, sous les regards envieux des peluches multicolores. Derniers préparatifs, derniers achats, on se presse impatiemment à la boulangerie ; à la boucherie, on s’agace dans la queue interminable. Pas moi, je suis seule, personne à inviter, personne non plus pour la faire, la cuisine. Fatigue ... mes vieilles jambes ... je m’asseois sur un banc. Je ferme les yeux et je m’abandonne dans mes bonheurs d’"hier".Revenu de loin, de très loin, un parfum de poudre de riz me ramène au théâtre de mon enfance. Théâtre ! Un bien grand grand nom pour un si petit batiment. Le patronage, je m’en souviens. C’était hier, c’est aujourdhui ! Pas de loges, les artistes s’habillent, se maquillent dans les coulisses. Petite salle, petite scène ... le rideau rouge ... comme dans les vrais théâtres. Des sièges en bois qui nous donnaient mal aux fesses. Petite, j’allais applaudir mon père, Il jouait, la scène était à lui ... un vrai comédien. J’en étais fière et je disais à tout le monde : "C’est un grand artiste mon papa". Après la pièce, je me rue dans les coulisses. Je l’embrasse, je l’embrasse encore. Je l’aime. Tout est magique au théâtre... Ces crèmes de maquillage par exemple, Je m’enduis le visage de fond de teint. Et hop ! La houpette dans la poudre parfumée pour me tamponner les joues. Magique ... je n’oublie jamais le dernier trait, bâton carmin de rouge délicatement déposé sur mes lèvres. Enfin, "délicatement" disons comme cela, le clown c’est moi et tout le monde rit. Ça m’amuse. J’étais heureuse.Mon amour pour le théâtre ne s’est jamais éteint, j’aime y aller ; j’aime les odeurs de maquillage ; j’aime l’odeur du trac et de la sueur. J’aime les comédiens, leurs jeux, leurs angoisses, leur joies, leurs peines. Subjuguée par les décors qui font chavirer mon âme d’enfant, je reste muette. Ces parfums me taquinent. Qui comprendra ma nostalgie ? Tout le monde a un père, je sais ... mais le mien, c’était le mien ... un artiste. Il est parti jouer au près du Grand Patron.Depuis, me pliant à la règle, quelle que soit ma douleur, je ris et je pleure... C’est ça le théâtre ! Ce soir ... relâche ! Le rideau restera fermé.
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Parfums et nostalgie
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