Le ciel se fait si bas qu’il frise aux toits des dentelles pointues et le blizzard s’abandonne en promettant la sagesse du torrent. Les maisons se font basses se rapprochant les unes aux autres alors que la fumée blanche des cheminées se replie dans les ruelles.
Dans la plaine et sur les landes une silhouette noire se tord, pliée par des fardeaux invisibles, âme errante dans la neige immaculée. Un peu plus loin derrière, une autre forme blanche tout aussi brisée se confond avec le paysage.
Ailleurs, les âtres et la soupe réchauffent les cœurs et les corps alors que dans les étables les troupeaux soufflent. Parfois la cloche de la petite chapelle agitée par le vent, résonne jusque dans les chaumines et une porte s’ouvre et un volet bat. La neige tombe plus drue encore tandis que la bise siffle sous les seuils.
Les deux ombres pénètrent dans le village, leurs pas s’étouffent dans la poudreuse et le premier homme gesticule des signes sombres cernés par la blancheur.
Finalement la canne cogne contre le bois d’une persienne.
Une vieille femme toute aussi blême que la nature , tout aussi craquelée que l’eau des rigoles entrouvre la fenêtre puis la referme aussitôt avec beaucoup de mal. L’entrée laisse fuir un rai de lumière blafarde et l’aïeule fait un simple signe de tête vers les escaliers et l’étage.
Dans la chambre un vieillard se meurt encadré par quelques bougies tremblantes. C’est le père Mathurin, l’ancien du village. Il se meurt comme un cygne prisonnier de la glace, cloué dans des draps propres, saisi par la vie qui s’éteint.
Alors le prêtre et son enfant de cœur donneront l’extrême onction. Mathurin soulèvera une dernière fois son corps en hoquetant des silences.
C’est fini.
Dans les plaines et les landes, Monsieur le curé et son disciple ont repris le chemin vers d’autres hameaux dans le vent et dans le froid d’un hiver qui ne s’achève plus.