J’ai vu la nuit et pris la vie vers les dix heures du soir. Lorsque j’ai ouvert les yeux, la clarté de la grande lune m’a ébloui et j’ai du me cacher pour ne pas être aveuglé.
Fragile, je me suis habitué à la douce lueur, belle, si belle, tellement attirante.
Lentement sans faire de bruit j’ai agité mes deux ailes opalescentes et j’ai navigué dans ce nouveau monde tiède et délicieux, voletant entre corolles fermées et perles de rosée.
C’est en m’abreuvant que je fus attiré par cette nouvelle lune bien plus belle, bien plus brillante, bien plus accessible.
Alors, j’ai fait battre mes ailes vigoureusement, bien plus fort que ce qu’il est capable d’imaginer.
J’ai traversé des contrées où de vifs oiseaux aux visages de souris tentèrent de m’attraper, des forêts d’herbes folles entremêlées, frôlant des arbres géants d’où sortaient de sinistres craquements.
Enfin le halo de l’astre merveilleux se trouvant à ma portée j’ai ressenti un immense plaisir. J’allais enfin connaître la merveilleuse phosphorescence.
Le choc contre le verre de l’ampoule fut brutal. Assommé sur la table de la terrasse, dos sur la pierre, j’ai tenté vainement de faire trembler mes ailes brûlées.
Dans mon regard assombri, la lumière a vacillée et j’ai pensé que je n’avais vécu que dix minutes, moi qui aurait du connaître le bonheur de l’insouciance, courtiser ma promise, avoir des enfants, vivre !
Il me restait encore deux grands crépuscules d’existence, rien qu’à moi, petit papillon de nuit.