Il est des trains bien lointains qui me ramènent à la gare de mon enfance.
Loin des soucis et des ennuis, bien loin du monde des humains, comme un rayon de soleil diffus dans la brume matinale, je parcours les sentiers qui feront mon destin.
Entre deux rochers de granit ou gravite une boule balsamique, j’élève mes mains pour attraper cette bulle fantomatique. Plus je m’étire sur les pieds pour me dresser, plus la sphère recule inéluctablement, sans raison, sans fin.
Pourtant mes pas ne portent pas sur la terre, je suis au-dessus de l’onde magique au cœur de la forêt, comme attiré entre le ciel et terre.
La sublime monte toujours comme pour m’appeler vers les nues puis soudain s’écroule dans un flux rouge et laiteux.
Il est dix sept heures et cinq minutes. Je me mets à hurler. Nous sommes le dix-neuf mai mille neuf cent cinquante quatre, ma mère est délivrée.
Bientôt je retournerai à la gare et j’attendrai l’heure du départ.
Une vieille locomotive m’attendra et je reprendrai mon voyage de nuit.
Et si demain je ne reviens pas c’est que mon train aura pris la voie des anges pour m’emporter vers cette grande bulle de clarté.