Quelques souvenirs se bousculent dans sa tête et se mélangent confusément. Le papier peint vert sombre parsemé de volutes dorées, la table basse sur laquelle trônait un bouquet de fleurs, cadeau de bienvenue et le lit recouvert de satin pourpre assorti aux lourds rideaux de velours.
Il se rappelle avoir composé le numéro de la réception pour qu’on lui monte une bouteille de champagne, puis des pas feutrés sur la moquette du couloir. On avait frappé à la porte doucement mais fermement et une voix franche avait annoncé « service d’étage, Monsieur ». Machinalement, il avait répondu sans se retourner, fouillant dans sa poche afin d’y trouver un billet pour récompenser l’employé zélé qui avait si rapidement répondu à sa demande.
Et puis à partir de là, plus rien, le vide, le néant. Sa mémoire n’est plus qu’un puzzle auquel manquent quelques morceaux. Sa tête le fait horriblement souffrir et les menottes qui lui entravent les poignets et les chevilles l’empêchent de bouger le meurtrissant à chacun de ses gestes.
Il est allongé sur le sol, dans le noir. Depuis combien de temps, est-il là ? Il n’en n’a pas la moindre idée, il entend des bruits de voix mais les mots sont inaudibles, incompréhensibles.
Il tente de se redresser mais une douleur vive sur le haut du crâne lui arrache un cri. Le long de son cou, il sent un liquide épais couler et glisser jusque dans son dos.
Des hommes s’approchent. Il les entend venir. Une porte s’ouvre. Aveuglé par la lumière, il écarquille les yeux et peu à peu réussit à les ouvrir. On le relève sans ménagement. On le prend en photo. Ce n’est qu’à ce moment là qu’il comprend. Il a été enlevé.
Mais pourquoi ?
Pourquoi lui ?
Pour l’argent évidemment !
Quelle question !
Ils vont demander une rançon, son père paiera et on le libérera...
Au début, cette idée le rassure mais soudain il réalise qu’ils n’ont pas caché leur visage. Il pourra les reconnaître très facilement… trop facilement ! Il se rend compte alors qu’il n’a plus aucune chance. Il voudrait se battre, mourir dignement mais pas comme ça, abattu comme un chien dans une cave sordide ou jeté dans un terrain vague.
Il ouvre la bouche pour implorer un peu d’eau, mais un des hommes lui assène un coup de pied. Il crie sa souffrance, il crie sa colère, il se sent si dérisoire, si insignifiant face à ses bourreaux.
Ils ont éteint la lumière et ont quitté la pièce. Il est de nouveau seul en proie à sa peur, en proie à son inutilité.
Des images, des sourires, des visages se bousculent dans sa tête.
Il va mourir...
Ses rêves, ses projets, toutes ces choses qu’il aurait tant voulu faire et qui ne seront jamais.
Il va mourir…
Il a peur et pourtant maintenant, une seule question l’obsède. Elle résonne en lui comme un écho strident, le harcèle, le poursuit. Question qui restera sans réponse : quel était son prix ?
.
Combien vaut la vie d’un homme ?