Depuis longtemps, elle avait perdu la trace d’elle même.
C’était venu comme ça simplement, au fil des jours et des années, sans vraiment bien s’en rendre compte, étrangère à ses propres désirs.
Elle n’était plus maintenant qu’une ombre sans âme, errante dans son monde trop gris, sans espoir et sans passion.
Papillon de nuit fragile et ébloui par les lumières aveuglantes des autres, elle se cognait aux portes fermées de son avenir et se débattait dans une histoire d’amour impossible et destructrice.
Viscéralement et irrémédiablement rebelle et infidèle, elle avait rendu les armes à force de coups que la vie lui avait donnés. Son rôle de femme comblée et aimante l’étouffait jour après jour comme le garrot au cou d’un condamné. Elle avait perdu l’envie de se battre pour briser les chaînes qui lui entravaient les poignets et le cœur.
Debout, derrière la baie vitrée de son appartement, elle observait les oiseaux qui virevoltaient libres et insouciants. Elle se sentait comme ses cygnes migrateurs, elle aurait voulu prendre son envol dans un mouvement perpétuel d’éternelle renaissance.
C’est peut-être pour cela qu’elle s’est jetée du haut de son dixième étage.
Ses ailes ne se sont pas ouvertes et pourtant son âme souriait.