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Lyssia

Nouvelles 12 mars 2008
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La grenouille s’est perdue dans l’immensité blanche, inégalement répartie autour d’elle. Des creux et des bosses rythment ses mouvements, et la minuscule verte ne regarde que devant elle, cherchant du regard où tourner à nouveau. Elle glisse, mais se rattrape chaque fois, remonte la pente pour ralentir, et recommence... Jusqu’au moment où elle tombe, dans un creux, sans bosse pour la stopper, sans aucune barrière pour la freiner. Elle prend de la vitesse, et dévale la pente mètre après mètre, toujours plus vite, toujours plus bas. Elle ne voit rien que des couleurs, des formes qui s’entrechoquent devant elle, des mouvements liés à sa descente infernale.

Du blanc, le blanc de la neige lui masque la vue, elle ne voit que le vide, sous elle, qui l’attire sans cesse. Puis une bosse, peut-être signe de son arrêt. Elle ralentit un peu, arrive au sommet... et décolle. Elle reste dans les airs quelques fractions de secondes avant de retomber lourdement, et redescendre encore plus vite. Des formes de couleurs bougent plus loin, sur sa gauche. Sur sa droite, elle parvient à distinguer quelques arbres, et pense à une collision imminente. Puis, plus rien. Juste du blanc, des masses informes, et elle rebondit à nouveau sur la neige blanche qui lui saute au visage. Une collision qu’elle n’a ni vue ni ressentie, ni perçue ni entendue. Une personne devant elle sur laquelle elle fonçait tout droit avant de la heurter et de la renverser violemment. Et elle a continué sa folle descente.

Elle arrive à distinguer le bas, à présent. Elle arrive à voir le bout de la piste, la dernière ligne d’horizon se terminant par un filet rouge sang. Et derrière, le vide. La grenouille devine des arbres, plus bas, une autre pente qui l’amènera plus loin encore. Et juste avant, un amoncellement de neige qu’elle croit molle, et qui arrêtera sa chute. Mais elle est dure, finalement, et ne stoppe pas aussi facilement la vitesse... Elle la ralentit, ses jambes à bout de force aidant, la ralentissant centimètre après centimètre. Elle croit ne pas pouvoir s’arrêter à temps, mais la grenouille cesse sa chute interminable, à quarante centimètre du bord, à quarante centimètres du filet.

Elle est étendue dans l’immensité blanche, la neige entre dans ses vêtements, se colle contre sa peau. Tremblante de la tête aux pieds, haletante, la respiration saccadée, elle tente de se relever. Elle se hisse avec difficulté sur ses genoux, trop faibles pour supporter son poids, et tombe à nouveau dans la neige dure. Respirant rapidement, rassemblant ses forces, elle tente un nouvel essai, et réussit à s’élever sur ses jambes. A peine debout, ces dernières, faibles et tremblantes, se dérobent sous elle. Elle tombe à genoux dans la neige, cette fois encore, la respiration toujours plus hachée, toujours plus bruyante. Elle tente alors une troisième fois, plus lentement : si elle titube, les jambes toujours tremblantes, elle ne retombe pas.

Alors qu’elle relevait la tête, elle vit un lutin s’approcher d’elle. Sans y prendre garde, elle sentit l’odeur et le goût du sang, mais resta concentrée sur l’energie que sa position debout demandait. Elle écarta un peu les jambes pour prendre un appui plus stable, tandit que le lutin s’arrêtait tout près d’elle, et lui demandait si elle allait bien. "C’est froid... C’est froid..." La grenouille arrivait à peine à murmurer ces mots, et pendant ce temps des larmes coulaient sur ses joues, tandis que la glace coulait contre sa peau le long de son corps et la gelait. Le lutin sortit un mouchoir de sa poche, et tout en lui disant calmement que ce n’était rien, que ce n’était pas grave, elle lui épongea le menton qui ruisselait de sang.

La grenouille se calma, reprit peu à peu ses esprits, et quelques minutes plus tard, elle était repartie.

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