Danse orientée
La grande question (...) à laquelle je n’ai pas été capable de répondre (...) est : "Que veut la femme ?’’
S. Freud, masseur de crâne à domicile, 12h00 - 17h00 sans interruption - Balzac 32.23
Elle se croit très maline et très bien informée. Elle se dépoile directement en se déhanchant sur une musique imaginaire. Elle jette son soutien gorge qui atterrit sur mon épaule. Elle m’impose son cul, encore tout emballé d’un mini slip immonde, à deux doigts du nez. Elle danse mollement, elle s’ébroue, elle se contorsionne. Elle fait terriblement semblant de croire qu’elle éprouve le besoin d’agir comme cela. Et, bien sûr, je le vois.
Alors, de la main, je l’arrête et, tout doucement, en lui embrassant le ventre, je lui demande de partir.
Mais ! Pourquoi ?
Et je lui explique que si j’avais eu envie d’une stripteaseuse j’aurais payé pour une pro.
Parce que tu sonnes faux, déjà, là, maintenant, ce qui laisse craindre le pire, parce que la seule envie que tu m’aies donné c’est celle de te voir partir, vite.
Rageusement elle se rhabille et claque la porte.
Je passe la nuit seul et rêve d’une île aux portes de l’océan, d’une plage dont le sable est peuplé de diamants et d’une femme inconnue qui se laisse caresser aux endroits de son corps tout chaud du plein été.
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Uppercut
"Les hommes se distinguent par ce qu’ils montrent et se ressemblent par ce qu’ils cachent."
Paul Valery, gourmet masqué
Pour être moins direct et ne pas entamer une belle relation en lui disant que son cul me passionne, que j’y consacrerais la plupart de mes nuits, je lui dis, finement, que je cherche quelqu’un pour laver les bols du petit déjeuner.
Elle ne comprend pas l’allusion.
Elle pense que je vais, dès potron-minet, la coller des gants Mappa aux mains, penchée sur l’évier de ma petite cuisine.
J’évite de peu la baffe en m’enfuyant bien vite.
Je marche dans la rue en me disant que des fois, il ne faut pas tergiverser.
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Promotion sauvage
Au plus élevé trône du monde, nous sommes assis que sur notre cul.
Montaigne
Marchant sous le soleil je vois une très belle jeune femme assise sur la selle d’un vélo très quelconque, appuyée, attendant sa mère ou une amie ou son homme, à la vitre d’une charcuterie.
Juste au dessus de sa tête une affiche offre, en lettres orange sur fond rouge, agressives :
20 % d’escompte sur la choucroute au kilo.
C’est stupide mais ça me fait rire aux larmes.
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Distraction passagère
Saint-Claude, Vosges
Je suis si stupide parfois.
Dans cette soirée minable dont les quelques tours de pistes de futures miss faméliques et osseuses, parées de maillots de bain en lycra peu moulant, ont constitué l’absolu summum, je suis approché par une jeune aguicheuse.
Vous aimez les pipes ?
Et moi, je réponds :
Euh ! Non. Je suis plutôt clopes !
Ce qui nous laisse tous deux au tréfonds d’expectatives intenses.
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Addicted to love
Il n’y a guère de gens plus aigres que ceux qui sont doux par intérêt.
Vauvenargues
Je comprends qu’elle m’ait menti. J’accepte qu’elle m’ait trompé. Je suis pleinement en accord avec son départ. Mais je ne supporte pas qu’elle essaie de me piquer mon best of de Robert Palmer. Au moment où elle le glisse dans sa valise, je le lui dis, avec force et conviction. Je crie, je hurle :
Pose-moi ce disque, salope !
Et elle se met à pleurer, ce qui me coupe net dans mes élans rageurs. Dérouté et serein, je m’approche d’elle et la prend par l’épaule. J’embrasse même tendrement ses bonnes joues mouillées.
Tu sais, ce n’est pas si grave. Si tu le veux, prends-le !
Elle renifle et cale sa petite tête contre mon vaste corps, lovée comme lors de nos débuts fiers et délirants, encastrée presque.
Elle me dit :
Tu sais, je crois que je vais avoir bien plus de mal à me passer de toi que de ton foutu disque.
Je sais, moi aussi.
Puis, avec mon accord, elle défait sa valise, à peine encore ébauchée, implore mille fois un pardon inutile, promet tout et son contraire en m’embrouillant vivement et m’assure, surtout, qu’elle ne recommencera pas.
Bien sûr, bien sûr, mon amour ...
C’est que je dis bien vite en pensant que, dans deux ou trois semaines, c’est moi qui prends la porte avec sa collection complète des Doors, les inédits, les pirates et les autres, Sylvie m’attend, impatiente. Bien fait !
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Paris - Bagdad - 02/04/2003
John & Yoko - Bed in for Peace - Le retour.
Bien sûr, comme tout le monde elle veut tout voir. Et tout savoir. Moi aussi. Jusqu’à minuit elle zappe comme une dingue. Elle traque le moindre soubresaut des chars et des piétons qui s’élancent dans les dunes. Plus rapidement qu’elle, je m’aperçois qu’on ne nous dira rien. Rien d’intéressant. Presque que des mensonges. Donc je lâche l’écran et me replonge dans la contemplation des courbes admirables de son corps, divin et mi-nu. Bien sûr il me vient une fringuale, évidemment me viennent des envies. Alors je tends la main et du dos de l’index je caresse ses côtes en direction d’un sein.
Arrêtes, c’est indécent !
Et elle me rejette. Elle me dit qu’en même temps, en direct, des types souffrent et luttent, de part et d’autre, que des mères et des enfants prennent peur et pleurent sous le bruit des canons.
Il y en a même qui meurent !
Je sais, je sais. Pour qui tu me prends ? Pour un sans-cœur.
Et je lui explique que ce n’est pas parce que j’ai envie et peut-être besoin d’elle, là, à ce moment précis, à cause des combats peut-être, que je suis cynique, pervers et corrompu.
Ma pauvre petite chose !
Elle me caresse les cheveux et m’offre sa bouche, puis son ventre, et le reste. Quand je la repose après avoir ôté sa culotte inutile, ses fesses si jolies s’écrasent sur le bouton "off" de la télécommande. L’image sur la télé crève, elle aussi.
C’est quand je suis en elle que je pense :
Putain ! Mine de rien l’amour vient de triompher de la guerre !
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Sanglots longs, violons, automne.
"Pars, surtout ne te retourne pas, pars, fais ce que tu dois faire, sans moi"
J. Higelin
J’ai tellement l’habitude d’être celui qui part, celui qui rompt, celui qui quitte, le salaud, le lâche, l’enfoiré, l’ordure, que je n’avais pas pleuré depuis des lustres avant ce soir où N m’annonce, tout en douceur, que c’est fini entre nous. Des larmes coulent sur mes joues. Je m’y attendais. Je le savais, je le sentais. Mais j’espérais encore. Moi ! Oui, j’espérais. Transfiguré !
Je la vois qui prend le grand sac du week-end à Venise au fond de notre placard. La vue brouillée d’eau je devine qu’elle attrape ses affaires, des habits surtout et qu’elle emporte le cadre photo où nous sommes tous les deux, souriants, bronzés, heureux, beaux et fiers.
La voix très étranglée, je lui dis :
Qu’est-ce que tu vas faire de ça ?
C’est rien qu’un souvenir.
Tu pars avec des souvenirs de nous ?
Plein la tête, plus cette photo.
C’est ridicule !
Oui, bien sûr ! Mais j’en ai tellement envie, et peut être même besoin.
Et elle s’écroule contre moi et nous épuisons deux paquets de Kleenex, les grosses boites à fleurs, dans une nuit sans sommeil.
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Jeune pousse
"Um Chapotekh dé Frigua"
Salazar Maskeron
Elle me traite d’immature parce que je ne veux pas d’enfant, enfin, pas maintenant, pas comme cela, pas avec elle.
Immature !
Dans un sens, ça vaut mieux que "vieux con" !
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Marilou sous la neige
"L’élite est entrée sans prévenir !"
Trust
Elle trouve que ma culture est par trop populaire. Elle ne comprend pas que je me vautre dans ce qui plaît à la masse, à la foule, aux autres, qui sont si nombreux. Elle aime les petits lieux, les petits trucs, les petites foules (sic !), les livres à tirage réduit et les films que personne ne va voir parce que :
Ils ne peuvent être compris que par très peu de gens, tu sais !
La seule chose qu’elle aime, à peu près comme tout le monde, c’est faire l’amour. Et encore ! Modérément. Tout comme elle mange modérément et boit avec parcimonie.
Je la quitte très vite et la laisse traîner dans la fange grouillante de la pléthore de femmes que j’ai quittées parce qu’elles sont ... massivement chiantes !
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Dépôt de gerbe
De l’envie de monter sur la "Haute" et de descendre en schuss
Hélène de C. est une jeune hystéro-commestible que je rencontre parfois au milieu d’amis éloignés.
Ce soir, saoule, elle m’avoue à haute voix que son ultime désir est de :
Crever à la Félix Faure, baisée à mort par un athlète bulgare sur la pelouse du Parc des Princes.
Je la félicite chaudement de cette noble ambition et je l’aide à vomir dignement derrière le canapé, sur un tapis ancien et des boiseries baroques.
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Patience, on tourne !
Jeux de mots, Maître Cappello !
A cette femme charmante et rétive à la fois, qui m’attire autant qu’elle me repousse, peut-être aussi pour cela, je dis :
Mais la question n’est pas "Est-ce que je te plais ?" mais "Est-ce que je pourrais te plaire ?"
Il est vrai que notre intimité n’est pas encore déclarée, qu’un rapprochement sensible n’est qu’à peine amorcé et qu’il faudrait la chute de quelques murs teutons pour que notre guerre froide se réchauffe doucement.
Je la regarde, je la scrute, je la dévore.
Je sais, malgré tout, que je vais y arriver.
Je sais que ses défenses et ses habits si tendres vont choir prochainement.
Le temps est beaucoup.
Le temps est tout, j’ai tout mon temps.
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L’étroit bande
La première fois que j’ai vu une femme nue, j’ai cru que c’était une erreur !
W. Allen
Rien n’est plus laid qu’une femme en jogging, ce vilain truc miteux qu’elles se mettent parfois pour aller faire de la sueur hors du lit conjugal (ou non !).
La femme en jogging est une sportive.
Elle n’est plus une femme !!!
Ne confondons pas.
Et malgré le charme originel, rien ne la distingue plus du pentathlonien barbu ou du footballeur minable, que les divins atours, qui font qu’on aime les femmes, mais cachés et souillés à jamais.
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Accord parfait
"L’amour, tel qu’il existe dans la société, n’est que l’échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes."
Chamfort
Dans son grand lit blanc et défait, je me retourne.
Décidément, tu ne m’aimes pas !
Sans même réfléchir elle dit :
Euh ! Non !
Alors je me lève et me rhabille. Je n’ai plus rien à faire ici, dans son alcôve, si près d’elle.
Salut
A bientôt.
Quoi ?
Oui ! A bientôt, j’ai vraiment envie de te revoir.
Un peu choqué, je m’assieds au pied de son grand lit où elle est encore nue. Elle se redresse et ses seins se montrent. Ils sont beaux et lourds. Ils tombent mais joliment.
Là, je ne comprends pas. Tu ne m’aimes pas, tu me le dis, tu veux me revoir ?
Il n’y a rien à comprendre. Je trouve simplement que tu baises bien. Et c’est assez rare, ces derniers temps, de trouver un type qui baise bien. Alors, quand on en a un sous la main ...
A ce point là ?
Oh oui ! Tu ne peux même pas t’imaginer.
Non, c’est sûr ! Quoi que ...
Oui ?
A bien y réfléchir, les filles d’aujourd’hui, c’est pas trop ça non plus.
Ah ! Tu vois.
Je me relève, enfile ma veste, il doit faire froid dehors.
Je vois très bien, trop bien même. Et je crois que c’est pour cela, que, moi, je suis certain de ne plus jamais avoir envie de te revoir ...
Vite je claque la porte d’entrée, juste à temps. Une chaussure, un sabot, s’y écrase fiévreusement, suivi d’un bol, d’une assiette - quelque chose qui se casse à grands bruits. Et j’entends quelques cris de fureur qui disparaissent quand je prends l’ascenseur en sifflotant.
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Cosmogonie gollopante
La marguerite du rat
Sur elle, en pleine action, pas encore essoufflé, pas encore repus, très - très ! - innervé, attentif, précis, fulgurant et puissant, je l’entends qui râle puis crie, hurle enfin :
Ah mon Dieu ! Ah mon Dieu ! Ah mon Dieu !
Qui n’aimerait entendre ça ?
Malgré tout, je reste assez lucide pour savoir que demain, dès l’aube parue, dès le petit jour froid, dès les mièvres brouillards, entre mâtines et croissants, j’aurai totalement perdu ce rôle divin dans sa cosmogonie.
Tant mieux !
Un amour apostat, apostasie mon amour !