L’oeil était dans la tombe.

 Qu’est-ce que tu fais là, dans une caisse en bois, à six pieds sous terre ?
 Je dors, et j’aimerais qu’on me foute la paix, on m’avait promis le repos éternel.
 Oh, ça va, ne râle pas, tu sais, l’éternité c’est long, tu vas finir par t’ennuyer.
 Je ne suis enterré que depuis cinq minutes que déjà tu viens m’enquiquiner, laisse-moi, je dors.
 Elle est bonne celle-là, cinq minutes, mais cela fait déjà cinq ans que tu croupis dans ta caisse en bois.
 Et bien comme cela, l’éternité passera plus vite. Et puis ferme la porte, il ya des courants d’air.
 Courants d’air, ce sont des trous de vers dans ta vieille carcasse. Je te laisse.
Le temps passe donc si vite, quand on est mort, pourtant j’ai du mal à trouver le sommeil, des images qui me reviennent perpétuellement et puis cette odeur putride que je devine plus que je ne la sens. On dirait que l’autre est parti pour de bon. Il me manque un peu.
 Salut, me revoilà. Mais tu tiens le coup, on dirait. Il en reste un peu.
 Il reste un peu de quoi ?
 De la chair, bon sang, sur ce tas d’os qui fut toi ! Comment te sens-tu ?
 C’est un peu long, je l’avoue. Ca me gratte dans le dos, et je n’arrive pas à me retourner.
 Tu m’étonnes, te retourner, ça ne s’est jamais vu, quoiqu’on en dise. Avec quoi voudrais-tu te gratter, ton poigné est fracassé. C’est dans ta tête tout ça, enfin, façon de parler. Tiens j’en vois un.
 Tu vois un quoi ?
 Un ver.
 Ou ça ?
 Dans ton orbite gauche.
 Mais c’est écœurant !
 Oui ce n’est pas beau à voir, mais cela va bien avec le reste.
 C’est peut-être cela un œil de « ver » !
 Oh mais je vois que tu n’as pas perdu ton sens de l’humour, c’est bien, ça conserve.
 Ca fait combien de temps, maintenant ?
 Plus ou moins cinq siècles. Tu trouves toujours que cela passe vite ?
 Oui et non... Plutôt non. C’est mortel ici.
 Ca ne te tuera plus !
 Mais, tu es qui toi ?
 Ah, la question que je redoutais, il fallait bien que tu la poses un jour. Je suis ta conscience.
 Ma conscience ! Mais que fais-tu ici ?
 La même chose que toi, je tue le temps !