Cette nuit encore, à l’heure où tout le monde dort, Johnny sort de chez lui.
Je le connais pour l’avoir croisé plusieurs fois en journée ! Il est grand, sec, un visage sévère, militaire, sans charme à retenir, porte des costumes comme en portent les bureaucrates, un peu gris, un peu tristes. Il est poli et me salue, l’œil allumé, un peu charmeur mais sa voix monocorde et grave aux mots bien articulés, bien ponctués tels ceux d’un donneur d’ordres, m’angoisse !
Où va-t-il plusieurs nuits par semaine entre minuit et deux heures du matin ? Il ne peut être somnambule car il guette à droite, à gauche, l’air inquiet. Est-il de la race des noctambules qui recherchent les plaisirs éphémères ou joueur invétéré ou bien encore un alcoolique cherchant désespérément à boire en cachant son vice ?
Mais cette nuit, il n’est pas rentré ! J’éclate de rire, imaginant mon "sujet d’étude" batifolant avec des filles de boulevard alors qu’à l’heure de mon sommeil, je retrouvais le corps beau et chaud de mon mari profondément endormi, las de m’attendre…
J’appris le lendemain qu’un homme avait été surpris ricanant, invectivant, accusant, se défendant et pleurant de fausses larmes : il était bien joueur mais joueur de sentiments, abuseur de crédulité et son jeu sordide avait été mis à jour !
Durant toutes ces nuits, Johnny avait creusé sa propre tombe.