« Recherche Chef de rayon, fleuriste pour Mammouth, Exincourt. Bla, bla, bla, bla, écrire avec références et CV, bla, bla, bla ... »
Nanou fait la tête, Jean fait la fête, se remettre au travail, 10 lignes de CV, trois mots de motivation impossibles à trouver et Jean aligne des kilometres de pot de fleurs.
Un hypermarché, c’est un gros intestin qui digère la nuit des tonnes d’inutilités. Pour ne pas mourir, envahi par sa merde, le pachyderme supplie chaque jour le petit virus de la fièvre acheteuse de venir lui nettoyer le cul.
Cette mission d’hygiène publique est confiée à un auxiliaire de santé, le Chef de rayon.
Revêtu, de la blouse blanche de l’infirmier, il veille au bien être du virus.
A l’aide d’une immense presse purée, appelé également tiroir caisse, le chef de rayon cogne sur les prix, plus il cogne fort, plus le virus est joyeux, mieux le cul est propre. Content le pachyderme peut se remettre à bouffer. C’est naturel, c’est propre, c’est net, c’est proxénète.
Jean n’a aucun mal à s’adapter à cette logique d’épicier, elle lui repose l’esprit. Remarqué par le pachyderme, il est promu Directeur puis et oui ça existe « Superviseur » ! Vingt culs de pachydermes à visiter.
Folle d’amour et pleine d’humour, le soir Nanou reproche à Jean de ne pas être resté dans l’armée, aujourd’hui elle serait certainement, Madame la Générale.
Jean a trente six ans, quand le téléphone sonne, un chasseur de tête recherche un spécialiste de la grande distribution connaissant, les fleurs, les roses, le poste est basé à Paris.
Bla bal bla, salaires, primes, bla bla bla voitures, frais, voyages bla bla bla nouveau concept, bureaux, secrétaires, pouvoir, bla bla bla, appartement, vacances.
Ok ok ok « c’est ou que je signe ? »
Nanou ne connaît pas Paris, Renée la marchande de bondieuseries et de tours Effel lumineuses du pied des escaliers de Montmartre reconnaît à peine Jean le gosse qui 20 ans plus tôt, rabattait le jeudi dans un allemand incertain, les riches teutons vers son échoppe. Les retrouvailles sont charnelles, le diner sur le zingue de la « Grappe d’or », à l’angle du boulevard Magenta et de la rue Boinos restera longtemps dans sa mémoire. Saoule est heureuse, Renée ne se lasse pas d’entendre Nanou raconter comment la veille, un rabatteur chinois de Pigalle les a abordés en allemand pékinois pour leur proposer une soirée inoubliable en compagnie des filles tarifées du bordel de la rue des Abbesses. Autre temps, autres mœurs, même pigeons.
A Saint Lazare, le RER a remplacé le train.
Les banquettes bleues ont disparues, remplacées par des sièges si étroits que déjà les sans abris ne peuvent plus y dormir. Ils ont osé enterrer la jolie petite gare de Saint Germain en laye.
6 heures du matin. Réunion discrète.
Dans l’immense bureau de Jean, Tour de l’Europe, Quartier de la Défense, Projet top secret. Le mur est tombé, les marchés de l’Est vont enfin s’ouvrire. Jean le tueur, va pouvoir piller et donner une leçon aux hollandais qui imposent des prix prohibitifs sur les rosiers.
De retour de Tchécoslovaquie, Jean vient d’acheter en grand secret toute la production du pays délaissé par les Russes en faillite, de quoi inonder le marché. 0.85f les trois rosiers, revendu 12 F l’unité, Les pachydermes passent les commandes, à 19.90 l’unité. Les prix baissent de 13% le virus en tremble de joie. .
« 13% çà fait 3 F ! c’est beaucoup trop » explose le directeur financier, « 19.90 est un prix psychologique, on ne peut pas faire mieux » explique calmement le directeur du marketing.
Jean ne leur dit pas qu’il a été obligé de renchérir sur Hantz son homologue Allemand qui proposait la veille 0.80F les trois. 2000000 de rosiers prendront le chemin de l’Allemagne pour 1F l’unité. Inutile d’en rajouter sur la fureur du Directeur financier.
Hantz et Jean ont convenu de partir demain pour l’Amérique du sud.
Dans les champs guatémaltèques si tu parles anglais, ils te prennent pour un américain.
Ni l’un ni l’autre parlent « portignole »aussi ils ont invité José de Madrid. Pas bégueule, José a proposé de faire financer le voyage par la _ Chambre de Commerce de Barcelone.
Ils recherchent des boutons de roses rendus Paris, Francfort, Barcelone, 12 F le bouquet de 10 roses. Ils doivent réussir, les bouquets sont revendus.
Les affaires ont une morale, sur le « Pont Charles » Hantz et Jean ont tapé dans la main de Yop le Néerlandais arrivé trop tard à Prague, Yop doit sauver la face. C’est Yop qui revendra 30 F le bouquet aux pachydermes français.
Hantz, Yop et leurs jeunes accompagnatrices tchèques ne comprirent pas, pourquoi Jean désirait se recueillir sur la tombe de Yann Pallach.
Cette année la fête des mères sera réussie pour « celles qui ont tant donné. » Les têtes blondes heureuses d’avoir cassé leur tirelire, offriront sous les regards embués un joli bouquet de roses amoureusement cultivées à leur intention par Nicolas le jardinier. La Pub est déjà dans les boites.
Au retour du gala donné au profit des « restos », présidé par sa grande copine Pauline, Nanou trouve une lettre de Gorand. Soldat dans l’armée yougoslave, prof de français, il invite Stéphane à passer des vacances de rêve à Bukowar ou il est caserné.
Céline qui étudie la médecine à Strasbourg à déjà dit oui.