Elle s’offrit une cigarette et la fuma longuement, appréciant chacune des bouffées, les savourant même avec une certaine joie perverse. « Et alors, ce n’est pas ça qui va me tuer ? » se disait-elle intérieurement...
Après avoir écraser le mégot dans le pot de la plante hideuse qu’on lui avait offerte, elle se dirigea vers la salle de bain, son seul et unique sanctuaire.
Elle avait insisté pour aider les carreleurs, voulant poser sa marque dans l’édification de cette pièce qui lui permettrait de renaître après chacune de ses séances de chimio. Le tout avait des airs de hammam turc aux arabesques subtiles de faïences bleues et blanches. Une merveilleuse mosaïque recouvrait le sol, c’était son œuvre et elle en était très fière...
C’était vraiment sa pièce préférée, lumineuse et parfumée. Un endroit pour méditer, un endroit pour se retrouver. Une seule fois elle avait été tentée de mettre fin à ses jours et s’était rendue compte, amusée, que le sang dans un tel lieu, donnerait à son futur suicide des airs patriotiques... Cette idée avait retenu sa main.
Elle alluma des bougies parfumées, quelques bâtons d’encens indiens et glissa un CD de Dead Can Dance dans la platine sur la commode.
En entrant dans la douche, elle s’aperçut qu’elle était en train de pleurer... Dans sa tête, une seule pensée dominait les autres, amère : « je suis en train de mourir... Je suis en train de crever... »
Ouvrant alors le robinet à fond, elle laissa l’eau brûlante emporter ses larmes et ses regrets.