Ce fut une sensation étrange !
Une brûlure se posa sur ma nuque et je me retournai attirée, comme invitée par une sollicitation implicite ou tacite, pacte invisible et secret.
Aussitôt je fus séduite par ses yeux d’ambre que des reflets d’apocalypse semblaient parfois traverser comme des chevaux fougueux parcourent au galop des plaines gelées. Des ombres infernales illuminaient son visage, d’ardentes passions animales flamboyaient en lui et dans son sillage un parfum envoûtant de musc ensorcelait tous ceux qui le croisaient.
Son image me poursuivait et je ne pouvais me détacher de lui, sa démarche était féline je le voyais prédateur, je me devinais proie si vulnérable et si sensible que ce sentiment m’insupportait jusqu’à la nausée. Et pourtant sans que je puisse en donner la raison je défiai son regard, me croyant invincible.
Il me sourit frondeur et je compris alors que la lutte serait sans merci et qu’il ne me laisserait aucune chance de lui échapper. Je sus ce que pouvait éprouver un animal traqué par des hommes impitoyables et féroces. Ses canines éclatantes faisaient de lui un audacieux rival mais je comptais remporter la victoire.
Toute la soirée je sentis sa présence m’envelopper, m’effleurer mais je restai impassible et indifférente. Quand la nuit devint ténèbres, il s’échappa en silence et je savourai mon triomphe.
Mais reclus dans son antre, de la pointe d’une dague effilée, il fit jaillir quelques gouttes de sang du creux de sa paume et y mêla un de mes cheveux dont il s’était emparé sans que je m’en aperçoive.
Il le consacra à la lune, récitant une incantation maléfique mélange de latin et d’une langue inconnue venue du fond des âges. Puis, pendant sept jours et sept nuits, il le porta contre son cœur, gardant sur sa peau claire une cicatrice rouge carmin.
Je ne sais rien de plus de lui que ce que j’en savais avant cette soirée, mais depuis je le cherche partout croyant le reconnaître au détour d’une rue, devinant son reflet devant une vitrine et ma quête n’est plus que douleur et éternité.
Lorsque les forces s’échappent de mon âme comme s’écoule le sang d’une plaie béante et que je hais son absence percevant sur mes lèvres ses frôlements, il me semble l’entendre rire, alors je hurle ma souffrance, emmurée dans le silence de cet envoûtement.