Elle est douce, discrète, fait attention aux autres, sensibles, triste mais heureuse à la fois, mélancolique mais pense au bonheur des autres en priorité. Elle s’inquiète, elle s’attache, elle veut que tout le monde aille bien. On l’a appelée ange, un jour, on l’a trouvée bien. On a apposé une couronne de lys sur ses cheveux sans couleur, on a compris son silence, on a pris sa timidité sans poser de questions. On ignore ses pleurs, le soir, lorsqu’elle écoute la musique qui lui fait penser à lui, cette musique triste et qui lui ressemble. Comme lui. Elle reste des heures allongée sur son lit, à regarder le plafond et penser. Elle regarde ces images défiler, ces images où elle n’est pas, ces images où les autres rient. Un visage parfois reste, plus présent que les autres. Elle ferme les yeux, un sourire nait en même temps que des larmes qui roulent lentement de long de ses joues pour se perdre dans ses cheveux. Elle revoit ce sourire, ce sourire qui n’est pas figé, et elle ouvre les yeux. Et toujours cette musique, lente et triste, et toujours son immobilité. Elle reste là, à écouter, à lire dans le ciel ce qui aurait pu être autrement. Ces minutes, ces heures d’apaisement sont ce qui font sa vie. Toujours sa solitude, toujours son silence, toujours cette ombre qui passe, toujours cette silhouette qui glisse entre tous les autres, toujours ce temps qui file sans cesse, et ces autres qui partent et qui ne reviennent pas...
Et moi je suis méchante, je hais la vie, je hais les gens, je hais cette autre, elle qui ne me ressemble guère. Ais-je un jour aimé comme elle, ais-je un jour rêvé au bonheur des autres avant le mien, ais-je un jour souris lorsque tout était noir, ais-je un jour senti les larmes couler sans rien dire, tout en gardant pour moi leur raison ? Elle n’est pas réelle, alors que je le suis. Elle est mon contraire, le contraire de cette haine, le contraire de cette méchanceté, le contraire de ce mépris. Tant de rires sans joie, tant d’ironie, alors qu’elle se réfugierait dans le silence, alors qu’elle ne ferait que regarder celui qui pense mal sans arrière pensées. Je ne m’arrête pas sur mon chemin pour aider, je ne m’arrête pas pour m’assurer que les autres vont bien. Je ne suis pas la route de cet ange qui pourtant m’éblouit malgré moi. Tant de timidité que je ne comprends pas, tant de silence que je n’accepte pas, tant de chose que je renie, tant de choses que je voudrais. Mais je ne suis pas elle, et elle n’est pas moi. Je regarde dans le miroir qui me renvoit l’image d’une haine matérialisée par un visage, et dans un corps. Cette faiblesse que je nie et qu’elle accepte. Si les miroirs pouvaient parler, ils me répondraient. S’ils pouvaient dire la vérité par des images, ils me diraient qui je suis.