Mon fils, pourquoi cette question ?
Mais je n’ai rien dis Papa.
Pourtant je l’ai entendue là dans ta tête, elle a traversé nos mains.
Par réflexe, j’ai retiré ma main de gosse de la sienne. C’était le crépuscule. Nous étions debout devant la rivière, regardant les grands rochers repaires de rapaces. Ils plongeaient en silence dans l’eau vive qui filait dans la nuit vers les grands sapins sur l’autre versant de la montagne.
Alors, me dit-il, je n’ai pas de réponse. Je ne sais pas pourquoi, nous ne reviendrons pas l’an prochain.
J’ai enfoui mes yeux verts dans ses prunelles sombres. Il a souri. De grosses volutes bleutées se sont échappées de sa pipe. A cinquante-deux ans il avait les tempes grises et j’ai ressenti a cet instant toute la quiétude de l’homme sage et doux en contemplation devant les beautés que nous offrait cette terre au fin fond de ce paradis auvergnat. Dans le calme de notre communion quelques grillons nocturnes se mirent à entamer des stridules monotones.
Papa ?
Oui fiston
Pourquoi c’est si beau ?
Encore une question à laquelle je ne peux répondre mon petit, rentrons maintenant, il fait frais.
L’année suivante, il nous avait quitté vaincu par une terrible maladie.
Je suis aussi âgé que lui maintenant et je vois dans le regard de mes enfants les mêmes interrogations sans jamais pouvoir leur donner la moindre explication.
Bien loin là-bas la rivière coule toujours et les grillons chantent le soir près du grand rocher.