Le Docteur Ziever Zat était un drôle de type. Connu à Noilly-le-sec pour la précision de son diagnostic, l’efficacité de ses interventions et le montant de ses honoraires (nous disions entre nous, hon-horreurs).
Il était également renommé pour sa remarquable résistance aux boissons alcooliques et pour la manière spéciale qu’il avait de regagner son logis après avoir bu (le qualificatif ‘trop’ n’était jamais assez). (Certains l’ont vu marcher sur les oreilles, y’en a même qui l’on vu voler...).
Il pratiquait la médecine depuis vingt-trois ans et la belotte depuis soixante deux, c’est dire de suite qu’il avait la soixantaine bien sonnée et trébuchante. Son cabinet de consultation était toujours désert, en effet, il n’y était jamais, préférant pratiquer son art au Café du Commerce et de l’Agriculteur réunis (le premier ayant opéré une OPA sauvage sur le second). Il exerçait entre Picon-bière, bien tassé, et une pile d’assiettes de la même origine.
Le Notaire, son ami, un jour vint le trouver pour une petite opération ; il s’agissait d’une excroissance sur un appendice très précieux - j’ai cité - vous aviez déjà compris - le nez.
Le docteur Zat, sortant d’une douce somnolence où l’avaient plongés quatorze picon-citron et douze ‘mort-subite’, sursaute :
Belote, Rebelote et dix de der, s’écria-t-il.
Le notaire insista et finit par rappeler Zat à plus juste compréhension de la chose qui l’amenait.
Asseyez-vous, dit Zat, familièrement... et ce sera deux gueuze ‘lambic’ garçon...
Lorsque la pile d’assiettes menaça de s’écrouler, Zat compris que l’heure était venue, il s’éleva et invita son client à le suivre -le plus droit possible- en longeant le caniveau.
Arrivé chez lui, il le fit se déshabiller et coucher sur le sol, car les huissiers, depuis longtemps, avaient emporté le billard.
Le Docteur Zat compta lentement sur ses doigts jusqu’à 3.1416.
Le notaire ronflait paisiblement. Zat s’assura que l’anesthésie était complète en lui décochant à bout-portant un grand coup de pied dans l’œil droit ; celui-ci coula légèrement sur le tapis percé.
Alors, retroussant les manches de sa chemise, Zat saisit entre le pouce et l’index, un scalpel lui aussi quelque peu éméché (heu, ébréché !) et, prenant son élan d’un coin de la pièce, il entailla doucement l’épiderme du patient, puis d’un geste brusque, mais précis, lui mit les tripes au vent, en respectant le nombril, conformément à la notice technique du créateur.
Alors, arrachant le foie du notaire, le Dr. Zat, après avoir examiné par transparence, déclara :
C’était fatal, il buvait trop...
Laissant en plan ce qui ressemblait encore vaguement à un patient, il s’en alla tranquillement porter la bonne nouvelle au "Commerce" où on l’attendait toujours, impatient de connaître son précieux diagnostic.
En passant, il ne manqua pas de saluer en grande pompe l’entrepreneur d’un : "une bière, une" ! (le lecteur l’aura relevé, Zat ne manquait ni d’humour, ni d’esprit d’à propos)...
Moralité :
Le "sers ment, du picrate", se récidive avec modération.
PS1 : lorsque tu rapportes des devoirs à la maison, ne laisses pas traîner tes affaires sur le tapis, la bonne va encore tirer la gueule..!
PS2 : La méticulosité n’est pas toujours bonne conseillère mieux vaut, parfois, se contenter de traiter le symptôme et ne pas s’acharner sur la cause pas toujours.