Il marche dans la rue, moineau abandonné par la horde sauvage, il ne tend pas la main mais ses yeux trop grands, cerclés de noir racontent ce ventre affamé qu’il oblige à se taire. Les dents grises et le visage brûlé il traîne sa vie comme on traîne un boulet, il a tout fait déjà pour gagner un peu de pain, cireur de chaussures, laveur de voitures ou même encore voleur quand l’occasion se présentait. Il a souvent fouillé les poubelles pour y trouver quelques trésors, défroques abîmées qu’il entasse sur lui pour avoir moins froid lorsque l’aube se lève ou de quoi manger quand la journée a été mauvaise.
Autrefois quand il était plus jeune il travaillait dix heures par jour dans les champs de coton, se baisser, se relever, se baisser à nouveau et se relever encore et toujours jusqu’à l’épuisement et puis ce blanc immaculé sous le soleil est venu à bout de ses yeux fatigués et rougis par tant de pureté.
Las de ce labeur éreintant, il a décidé de quitter sa campagne des rêves plein la tête et l’espoir au cœur, il est parti pour Rio mais là tout a recommencé, la rue, les décharges publiques et les bidonvilles. Il s’est prostitué pour survivre mais depuis la dernière raclée infligée pour un vol de beignets, il ne lui reste plus que quelques dents ébréchées alors pour lui c’est fini. La misère a rongé son visage angélique, personne n’en veut plus même pour quelques reales.
Alors pour oublier, pour apaiser la faim et la peur qui le tenaillent il respire de la colle ou des vapeurs d’essence, la coca et le reste, il faut de l’argent pour y avoir droit et lui de l’argent il n’en a pas.
Le futur, il ne sait ce que c’est, sa vie est derrière lui, il a dix ans…