Dans son rêve, P. court dans un pré avec une blonde enveloppée, fausse blonde, assez grasse, étrangement attirante. Il lui lance un oreiller elle le lui relance, ils courent sans peine l’oreiller vole, de plus en plus fort, vole entre eux de plus en plus fort et ils rient, il y a évidemment quelque chose, il ne la connaît même pas cette fille, c’est la compagne d’une des deux hommes la bas, à l’entrée du pré, le vendeur et son avoué, qui les regardent posément.
C’est un peu stupide d’avoir ce genre de jeu pas anodin avec l’amie d’un homme avec lequel on est en train de traiter une affaire, où l’on doit absolument montrer à chaque instant que l’on est un acheteur sérieux, heureusement ni le vendeur ni l’avoué ne semblent préoccupés par le drôle de jeu qui se joue dans le pré mais ça n’empêche, le plaisir ressenti par P. est pollué par l’énervement contre lui-même, une fois le plus il fait le con alors qu’une belle affaire lui tend les bras, il s’embarque encore une fois dans une fausse direction, teinte en blonde, grasse, pas son style et pourtant il sent qu’elle l’excite et elle est excitée, l’oreiller continue de voler de corps à corps dans le pré, P. aimerait que ça continue et que ça cesse et qu’il reprenne le chemin normal de ses affaires, il a honte de lui, même si ça n’est qu’un rêve, un beau rêve érotique ce n’est plus si fréquent on peut bien laisser aller, finalement ça lui va bien que le pré n’aie pas de fin, que la grosse fille ne s’essouffle pas trop, que la sueur se soit mise à couler sans leur passer l’envie de courir et de lancer l’oreiller.
Un peu plus tard ils reviennent vers les deux hommes en se tenant la main, et l’oreiller. Les deux hommes toujours calmes et attentifs, une table ronde de jardin qui n’y était pas tout à l’heure, P. remarque qu’en fait ils sont dans un grand parc devant une belle demeure, 3 chaises, les deux hommes s’assoient et P. aussi, le vendeur signe en premier les deux exemplaires présentés par l’avoué, signature un rien solennelle au stylo plume, il referme soigneusement le stylo la blonde n’est plus là, l’avoué a repris ses contrats et les présente à P. qui a repris ses esprits, tend la main vers le stylo plume, il tient maintenant le stylo plume.
P. a repris ses esprits et tient le stylo plume. Quelque chose cloche. Signature plume sur l’oreiller, P. plumé. P. ralentit le geste, le regard des 3 hommes fixé sur le geste ralenti de la main qui tient le stylo au dessus du contrat, pendant que, vite, la main gauche.
Pourquoi dans un rêve a-t-on besoin de feinter, de dissimuler le geste vif de la main gauche qui profite de l’attention portée à la droite pour se glisser sous la table et pincer cruellement la cuisse ? P. ne crie pas, la douleur il savait, il s’attendait à ne pas se réveiller, il repose lentement le stylo et se met à lire attentivement le contrat. Puis il parle. Il ne signera pas une clause de garantie étendue aux héritiers. Il l’avait signalé dès la première rencontre. C’était d’accord.
P. prend poliment congé et demande à ce qu’on le ramène chez lui, il a besoin maintenant de dormir, de vraiment dormir et peut-être même de rêver pour vérifier que dans les vrais rêves la sueur peut couler mais qu’alors les filles qui embrassent en premier ne lui demandent pas de se retirer.
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