Elle avait de tout petits pieds. Des pieds ridicules dignes de pieds d’enfants ! A soixante dix sept ans c’était son complexe !
Lui avait un tout petit cœur, un cœur digne d’un bambin de six mois.
Certes un peu plus gros, un peu plus épais, un peu plus graisseux, mais la nature, physiquement l’avait doté d’un tout petit cœur. Alors c’est peu dire qu’il battait trop vite la chamade dès que les petits pieds parcouraient la rue.
C’est certain, depuis bien longtemps ils auraient pu se parler, se connaître, s’inviter..
Non ! Il préférait cette situation. Le matin la demoiselle âgée descendait du premier étage. lui le vieux barbu, ouvrait la fenêtre de la cuisine du rez de chaussée. Il y avait le bruit lointain de la ville masquée par de gros bâtiments, au-dessus, bien au-dessus de la cime des acacias. Dans ce creuset que la ville avait oublié deux âmes s’observaient.
Alors dans un soir d’été, la vieille demoiselle se mit à parler tout haut lors de sa promenade :
- « Viens me rejoindre, je vais au parc écouter le chant des hirondelles avant l’automne »
Et le vieux barbu derrière sa fenêtre se mit à penser :
- Mademoiselle, voulez vous m ‘épouser ? Dîtes moi oui, je serai au parc près du lac pour donner du pain aux canards.
Alors que le soir frisait les monts du Lyonnais, la vieille demoiselle prit le chemin du retour. Dans la rue elle croisa un vieil homme barbu. La canne de la frêle dame lui montrait le chemin alors que celle du vieux Monsieur se dirigeait comme chaque soir vers la boulangerie...