Parce qu’il a osé dire non, ils l’ont frappé. Son corps n’est plus qu’une blessure béante, plaie ouverte aux regrets, que seule la mort apaisera. Au fond de son cachot, il gît à même le sol.
Il fait froid.
Il est seul.
Mais maintenant, il n’a plus peur.
Que voulaient-ils savoir ? Il ne s’en rappelle plus, au début les questions fusaient comme les pelotes sur le fronton Chiqui* et face à son silence ils se sont acharnés mais depuis quelques temps ils ne demandent plus rien, ils cognent, battent, brutalisent et torturent avec ce plaisir non dissimulé que leurs yeux qui brillent révèlent.
Il n’est entre leurs mains qu’un pantin, qu’un jouet sur lequel ils défoulent leur haine tenace et stupide. Bourreaux inutiles et cruels, leurs gestes sont précis, artistes acérés de la douleur, ils mériteraient la mort, mais une mort lente et mauvaise, une agonie sans fin intolérable, insupportable.
Il sourit.
Malgré la douleur, malgré cette odeur fade et écœurante que la camarde laisse derrière elle, il sourit.
Il n’a rien dit, il a hurlé, gémi, supplié mais il n’a pas parlé, rien, ils n’ont rien obtenu de lui, aucun nom, aucune confession.
Les premières lueurs de l’aube apparaissent et avec elles, les ordres saccadés donnés d’un ton sans réplique, le bruit des bottes des soldats dans la cour, le claquement des fusils que l’on arme.
Il sourit.
Dans une heure ou dans une minute, on viendra le chercher, on voudra lui bander les yeux mais il refusera.
Il partira le cœur léger, heureux de mettre un terme à toute cette souffrance, heureux d’avoir été un homme debout face à la barbarie.
* mur contre lequel on joue à la pelote basque