Quoiqu’un peu jaloux et même si la situation ne manquait pas de selle, le Père Magloire voyant sa femme s’envoler esquissa un pas de danse, trop heureux d’en être enfin débarrassé ! A moins qu’elle ne redescendit bientôt ? Inquiet, il effleura d’un doigt timide le flanc de l’endive dodue. Non ! Aucune crainte à avoir, la chair était ferme et, ce qui ne gâchait rien, de bel aspect. Cette croissance faramineuse s’accompagnait d’une réelle robustesse, il faudrait d’ailleurs qu’il songe à écrire à la Gazette du Jardinier pour le signaler.
Quant à madame Magloire, le fondement en flammes, au début elle gloussa (cela la chatouillait), hurla (cela la pénétrait) puis émit divers glapissements mais jamais ne prononça le nom de celui qui avait avec elle tout partagé sauf cela bien entendu. Le Père Magloire qui avait l’ouïe fine (il était poisson) en restait consterné ! Tant de temps partagé sans un mot de fin même si le légume turgescent semblait être fort appêtant ? La vie conjugale réservait bien des surprises, la preuve était faite d’un cruel trou dans la réalité du pire.
Il but, il but beaucoup... trop. Pour oublier ou pour se défouler ? Les deux certainement car l’homme est ainsi : insatisfait mais profondément attaché. Affalé sur le perron bétonné de son pavillon, il regardait laitues, scaroles, frisées se libérer et au bon air s’épanouir.
Lui ? Une bouteille dont il tétait avidement le goulot comme seul clairon, il observait mi-curieux mi-surpris. Soudain, il en eut assez ! Oh non, pas de boire mais de voir toute cette salade saccager ses fleurs et fendiller sa maison à tel point que le toit s’effondra dans un vacarme assourdissant qui le fit péter de peur !
Ouf ! Il eût la vie sauve par on ne sait quel miracle mais décida de se venger. Ce n’était pour sa feue femme qui n’était toujours pas réapparue, l’endive tenait ferme sa prise et il en ressentit au creux des reins un picotement repensant à tout ce temps écoulé alors que lui en tel cas aurait depuis longtemps baisé les bras et remonté son pantalon quitte à faire classe. Non bien sûr ! Elle pouvait bien se faire faire la totale toute la sainte journée. A dire vrai, son sang bouillonnait pour sa cave qui sous sa maison écroulée enfermait encore (et peut-être pour toujours) quelques bonnes bouteilles qu’il ne pourrait de sa bouche approcher et déboucher de sa main.
Un éclair zébra son esprit éthylé : "Un ver !" Non pour poèter ni pour boire, non un ver de terre sans pied ni verre. Un ver géant qui engloutirait à jamais ces parasites végétaux ! Voilà quelle serait l’arme absolue. Dès lors, il s’enferma dans sa cabane de jardin nichée au cœur d’une frisée qui langoureusement l’enserrait (mais pas trop fort) et avec ce qui lui tomba sous la main, il se mit à préparer une potion vengeresse en fermant les fesses (mais pas trop fort aussi) pour qu’elle fonctionna.
Par un beau matin assombri par ces maudites feuilles potagères dont les prémisses de putréfaction rendaient l’air suffocant, il admira d’un oeil globuleux le contenu trouble d’une boîte de conserve qui renfermait, et de cela il était sûr, le devenir de l’humanité...