Je la tiens dans ma main, je tremble. L’homme me scrute d’un air mauvais, mais sa respiration s’accélère. Il a peur. Je serre prise et je me campe sur mes pieds. S’il bouge, je le tue.
Je n’entends plus rien, ni les voitures, ni les piétons dans la rue voisine. Seule sa respiration m’envahit, inconsciemment la mienne s’est collée à son rythme.
Il plisse les yeux et je vois ces doigts blanchis par la pression sur la lame. Je ne distingue pas l’autre main, concentrée uniquement sur celle-ci. Mais son air vainqueur a disparu depuis que moi aussi j’ai la main pleine. Je suis prête...j’attend.
Alors je sens qu’il hésite, imperceptiblement il se dandine d’un pied sur l’autre. Mon courage monte d’un cran et je me force à lui sourire. Là, je perçois clairement sa panique. Ou est donc passé, la petite pin-up à 3 sous qu’il avait attiré au coin d’une rue ?
La pin-up a du sang qui coule dans sa nuque. Une plaque de cheveux arrachée quand il m’a tiré en arrière et jeté au sol dans la petite ruelle. Ce qu’il n’avait pas prévu c’est que dans ma chute m’a main l’a attrapé.
Finalement, il s’enfuit. Je le vois courir et je m’éclate de rire. Si fort, j’expulse, je vomis et je crache. Au bout d’un long moment je me calme. Et reviennent les bruits aux alentours. Je me baisse et ramasse mon sac puis je me souviens de ce que j’ai dans ma main.
Je la pose délicatement au sol et recule doucement, je m’éloigne à petit pas. Au moment de tourner au coin de la rue, j’ai pour elle un dernier regard. Le tesson de bouteille brille dans la demi-pénombre et avant de reprendre ma route je lui susurre un petit merci.
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Au coin d’une rue
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