Il venait de me faire un clin d’œil souvenir comme d’autres envoient des cartes postales. Cet homme-là, je l’avais déjà vu autrefois, mais je me trouvais dans l’impossibilité de mettre un nom sur ce visage.
Il était assis face à moi devant une petite table ronde à la terrasse d’un café lyonnais que le soleil printanier inondait de ses premiers rayons. Oui, il était à deux mètres de moi et nos regards diffus se croisaient de temps en temps mêlés à quelques sourires incertains.
Mais qui était-il donc ?
La bonne convenance aurait été que j’aille le trouver et que je lui demande poliment :
- Pardonnez-moi, Monsieur, mais il me semble bien vous connaître ?
Mais j’en étais tout à fait incapable. Ce fil de lui, ce fil de moi qui s’étaient tissés entre nos deux personnages interdisaient tout dialogue. Et pourquoi m’avait-il fait ce clin d’œil ? Il me connaissait assurément !
Alors, je plongeai mon esprit dans la dégustation de ce petit café noir mousseux en relevant timidement les paupières pour l’entr’apercevoir. Lui, ne m’avait pas quitté un seul instant.
Son arrogance à me dévisager n’avait d’égale que sa jeunesse et d’ailleurs je me surpris à penser qu’il ne pouvait faire partie de mes souvenirs tant sa fraîcheur m’aurait conduit vers un passé récent que je n’aurais pu oublier.
Son petit verre de liqueur était resté intact lorsqu’il quitta sa chaise. Je le vis s’éloigner dans la rue et se noyer dans la foule.
Je m’attendais à sa visite et contrairement, il venait de rompre ce lien qui nous avait unis l’espace de quelques minutes.
Lorsque le garçon vint encaisser ma consommation, je ne pus m’empêcher de lui demander :
- Connaissez-vous l’homme qui consommait sur cette table ?
- Un homme ? S’interrogea le barman, je n’ai servi personne ici Monsieur !
C’est alors qu’une légère brise apporta à mes pieds un petit bout de papier où était griffonné ces quelques mots :
-« Je serai toujours près de toi mon fils.. Papa ! »