Je l’ai pris, il y a cinq longs et sombres mois pour le ramener dans ma lugubre demeure. Elle trône sur la colline Est de la cité, trop industrieuse à mon goût et corrompue. Je sais qu’il allait empester et cela n’allait probablement pas me surprendre. Ce n’est pas le genre de chose qu’on s’amuse à stocker ainsi. J’entre dans ma maison après une absence prolongée par mes voyages en Europe. Devant la vaste porte d’entrée ornée de sculptures, je cherche la clé, puis je l’insère dans l’antique serrure d’acier. Une fois à l’intérieur, je saisis une lampe, posée sur une table en chêne, puis je vais rétablir l’eau et l’électricité, qui paraissent, je l’avoue, quelque peu anachroniques dans cette habitation. Je marche vers la chose et la cuisine inondée par un soleil maudit m’éblouit. Mes mains fines et blanchâtres se posent sur la table et hésitent sur l’action à entreprendre. Je m’imagine la chose dans mon âme pervertie, par ce monde déchu à l’allure de produit commercial avarié. Je m’avance et mes jambes se demandent si je n’ai pas choisi d’ouvrir la boite de Pandore. Mes doigts révulsés se projettent sur la porte, métallique et froide. Elle me crie garde avec décrépitude, mais je ne tiens pas compte de sa voix suppliante. Je crois qu’il n’y a pas de mots, c’est l’indicible. Mes sens maudits sont ravagés par ce spectacle horrifique. L’odeur nauséabonde se propage dans la pièce et perce mes narines. L’effluve de la pourriture abyssale épouvante mon estomac fragile. Mes deux prunelles ne peuvent éviter son teint cadavérique rongé par la moisissure. Je cours vers la poubelle la plus proche et mon visage blême s’y retrouve. Le temps passe et je reste prostré en pénitent de ma faute infâme. Je me relève, le teint blafard, et je bois un verre d’eau lentement. Le dégoût passe et je me décide à aller ouvrir la porte détestable une nouvelle fois. Le malheureux frigo ouvert, le Roquefort en vue, pourri et d’où émane un arôme de putréfaction abominable, l’envie de vomir m’envahit de nouveau...