Ce n’est pas sans regret que Michel s’était associé à son vieux père dans l’étude notariale.
Mais il était le petit dernier, et devait supporter cette tradition séculaire.
Trentenaire, d’un caractère doux, il embrassa cette profession sans ouvrir sa gueule, sans sortir les griffes.
Chaque matin, du lundi au vendredi, il allumait un gros cigare (avec des allumettes comme il se doit), rangeait son attirail dans la sacoche, et se rendait à son bureau en haut de la ville.
Sa journée se déroulait aux rythmes des opérations, des accusés de réception, des vices de formes, des salutations à souhaiter, des feu M. Dupont à regretter.
Ennemi des conflits, il répondait aux propos acérés par de généreux sourires niais.
Le samedi, il appelait le cœur léger son amie, quarantenaire et allumeuse de son métier.
Peu lui importait avec qui elle flirtait en semaine, il l’aimait.
Ils montaient à bord de son voilier le « AL DENTE » baptisé ainsi en souvenir du restaurant italien où ils s’étaient rencontrés.
Il levait l’ancre.
A bord, remplaçant son strict costume noir par une robe de dentelle, bas de soie et talons aiguilles, il aguichait sa capitaine, quémandant un baiser .. qui ne venait jamais.
Bref, il filait le parfait amour.