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Pour ce dernier repas, on avait du bon vin
Rouge comme ce sang qui coule et qui me damne ;
Des jarres arrondies comme ventres de femmes,
Veillaient sur notre nuit, attendant le matin.
Le coq encor dormait, demain il chanterait ;
Et le jardin ultime de Gethsémani,
Encor obscur et clos, et vide d’ennemis,
Dormait sous les étoiles pâles de Yahvé.
Le vent retenait son souffle au creux des cieux,
La terre s’enténébrait comme avant un orage ;
Il n’y avait de vivants que nos treize visages
Dont l’un était l’Amour, et qui leva les yeux.
Il dit, me regardant jusqu’au fond des entrailles :
« Ce soir est le dernier où je bois à la vigne,
Ce soir, je vous le dis, il faut que je m’en aille,
Car l’un de vous me livre à une mort indigne.
C’est pourquoi je vous donne et mon corps et mon sang,
Et vous ferez ceci en mémoire de moi,
Tant que l’amour existe, jusqu’à la fin des temps. »
Et chacun s’écria : est-ce moi ? Est-ce moi ?
« C’est celui dont la main va rencontrer ma main ».
Et tandis qu’Il parlait, Il referma ses doigts
Sur mes doigts qui cherchaient une boule de pain.
Et je compris trop tard que Judas, c’était moi !
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Le jardin est désert et il ne reste plus
Sur le sol qu’une oreille, et des larmes de sang.
La terre est détrempée, comme s’il avait plu,
Là où il a prié « Abba », son Père absent.
Un jour sombre se lève, ce sera le dernier
Pour lui comme pour moi, car nous sommes liés.
Car ma mort est sa vie, et ces trente deniers
Sont le prix convenu pour l’avoir renié.
A la plus haute branche de cet arbre qui veille,
Et qui grandit pour moi dans le champ du Potier,
Je vais pendre ma vie dans l’aube qui s’éveille,
Aux yeux épouvantés de l’univers entier.
2004
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