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Viviane Lamarlère

Poèmes tristesse 3 mars 2005
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Le temps, de sa fronde, m’a lancé au galop, parabole de chair, abysse sans ordonnée, je ne sais où je vais. Il faisait froid, si froid. L’indicible a léché de sa langue puante les rondeurs sucrées de l’espace, s’insinuant jusque dans la mémoire des mots..

Je ne suis qu’une chair qui emportait sur elle un petit dictionnaire parce qu’il faut témoigner.

Le temps ira où tu..
Si tu..
A moins que..

Temps a pris soin de me laisser ma monture.
Mon coursier tire son encolure
Je l’ai , bride abattue, mené de par le monde
Il connaît mieux que moi les recoins du passé, du présent, du futur
Hennit depuis toujours « La terre n’est pas ronde »
Ou plutôt qu’elle tourne en dépit du bon sens.
Mon coursier aux sabots astiqués d’espérance...

Il m’explique le temps ,
Sa parole est limpide.
Ta vie, tu sais, ta vie,
Ce que tu crois, ce que tu imagines, ta vie..
N’est qu’un instant.
Tes sensations,
Liquides galaxies accouchant d’elles-mêmes, tes sensations
Seront un beau matin en décomposition.

Ton cœur tornade est sans avenir, vole vers ce seul point qui t’appartienne en propre et voles-y sereine, dissous tes éléments, le futur est aux simples.

L’angoisse qui me prend blesse de ses pieds rudes le chemin encore chaud des nuages d’étoiles en pleine dilatation.
Quand j’atterris enfin sur l’anneau de Saturne, un enfant au regard bleu de nuit m’y attend. Dans ses mains transparentes repose une pierre.

"J’ai tué, me dit-il, j’ai détruit, pas par haine, j’ai tué le monstre aux cent regards qui empestait le monde, j’ai arraché son cœur, vois, il était de pierre. Il faut te sacrifier, voyageur, car de cette pierre sacrée, je vais faire du neuf, et de ton ombre bleue et ton âme si pleine des mots de l’autrefois, je vais me revêtir pour peupler l’univers.."

Alors très lentement, je dégrafe mon ombre et me rends à l’enfant.
Il est muet comme un Dieu qui n’aurait ni projet, ni mémoire, il est muet et humble, comme l’est tout enfant . La peau de mon coursier a déjà rejoint la peau verte et aurore qui entoure Saturne.

Il approche sa main
Puis il touche mon crâne.
Et je sens se dissoudre ma chair, mes yeux, ma voix,
Je les sens se fondre dans la lumière de ce regard qui boit
Tout ce qui me restait de souvenirs, d’émois
D’envies.....

Et je comprends le temps.
Il n’est que de l’oubli...

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