Ma bouteille de rhum est ma clef pour l’ailleurs.
Entre ses arômes je retrouve l’odeur
Du soleil, de la mer, des ports de l’équateur,
Où parmi les marins j’oubliais mes erreurs.
« Tous les chemins mènent au rhum » murmure un sage
Le regard dans son verre attendant le message
Venant d’aïeuls lointains, témoins de son naufrage,
Qui lui accorderaient la faveur d’un présage.
Dans mon bol, du sucre, un morceau de citron
Ce citron un peu vert que l’on nomme limon,
Puis un pauvre filet de la liqueur de feu
Que nous donne la cane aux parfums généreux.
A la première gorgée, je suis enfin là bas,
Où voulait m’emmener ce bon père Labat,
Quand sur un feu de bois, il chauffait l’alambic,
Pour en tirer les sucs les plus aromatiques.
Puis bientôt la chaleur fait place à une brume,
Qui m’envahit l’esprit et, très vite, embrume
Ma tête fatiguée aux tempes douloureuses.
Les senteurs puissantes sont devenues tueuses.
A chaque voyage dans le triste flacon,
Je laisse mon courage et quelques illusions.
Ma bouteille de rhum est ma clef pour l’ailleurs...
Elle ouvre les portes de l’enfer intérieur.