L’océan inonde l’espace
D’odeurs marines et fugaces
Dont les parfums mystérieux
Se mêlent au son mélodieux
D’une écume sauvage et blonde,
Venue de l’autre bout du monde.
Dans l’obscurité insondable
Erre une lueur sur le sable.
Le rai de lumière s’arrête
Contre une étrange silhouette.
Celle d’un canot renversé
Par une vague, offensée,
Une bille de charawi,
Rejetée par le Maroni ?
C’est une tortue gigantesque !
Une vision cauchemardesque,
Qui très péniblement avance.
Pleine d’une étrange vaillance,
Elle gravit le sable désert
Jusqu’aux laisses de haute mer.
Puis à l’effroi se substitue
Un grand respect pour la vertu
Qu’affiche le monstre épuisé
Accomplissant sa destinée.
Lorsque le colosse accablé,
Gisant sur sa fosse ensablée,
Soudain, abandonne ses œufs,
Une larme brouille ses yeux.
Les témoins sont bouleversés
Par la grosse bête harassée.
Ils aident l’animal mourant,
A retourner vers l’océan,
Puis restent là, un long moment,
Bercés par les flots apaisants.
Près d’Awala Yalimapo
S’élève le chant des crapauds.
Les barytons des batraciens
Entonnent un air très ancien,
Pour une vieille tortue luth
Qui au terme de longues luttes
Son destin enfin achevé,
Laisse son âme dériver.