Dans le nord du Bénin, non loin de Parakou,
Ma voiture souffrait, avançait par à coups.
Lorsqu’elle rendit l’âme au détour d’un chemin,
Je fus entouré par un groupe de gamins.
Ils m’accompagnèrent pour chercher du renfort,
Dans un village étrange, un petit château fort,
Que les gens de là bas nomment « tatasomba ».
Un vieillard somnolait sur un tabouret bas.
Il fumait une pipe à l’ombre d’un manguier,
Deux femmes à ses côtés fabriquaient des paniers.
De son regard laiteux il scrutait les nuages,
Un sourire léger flottait sur son visage.
Comme je le remerciais de bien me recevoir.
Il me fit asseoir pour me conter une histoire.
« En des temps fort anciens passa un voyageur,
C’était un magicien, un très grand enchanteur.
Dans un grenier à mil mes ancêtres le mirent
« Allez, fais un prodige ! Si tu veux en sortir ».
Le sorcier irrité leur accorda un voeux.
Or chacun désirait un pouvoir fabuleux.
Le roi dit le premier, « je veux toucher les cieux ,
Les tenir dans mes mains, de mes bras prodigieux »,
Puis un vieil homme qui aurait dû être sage
Demanda que la mer entoure le village.
La reine souhaitait qu’apparaisse la neige,
Capable, disait on, de puissants sortilèges.
Le sorcier s’emporta « vous n’aviez qu’un seul droit
Vous n’avez pas compris, vous en demandez trois ! »
« Du ciel vous aurez une pincée de nuages,
De la mer recevrez les écumes sauvages,
De la neige goûterez la douceur des flocons ! »
Alors la savane se couvrit de coton.
« Mais, ajouta le mage avant de les quitter,
Vous n’avez pas pu taire votre avidité !
Puisque vous n’avez pas su entre vous parler,
Par ces champs de coton vous serez accablés !
Car dans des plantations vous serez prisonniers
Et vos plus grands malheurs viendront du cotonnier »
J’étais impatient de savoir ce qu’il advint.
Alors je demandais : « que firent les anciens ? »
Le vieux répondit « nous avions un grand arbre,
Ils s’assirent au pied, inventèrent la palabre »
« Et la malédiction de vos champs de coton ? »
« Elle prit fin avec l’invention du nylon ! »