Dans ma nuit liégeoise et orangée plane une odeur étrange.
Comme un parfum de gueuze, un tantinet passée,
et qui donne à la Meuse, comme un relent de Gange.
Dans ma nuit liégeoise et orangée traînent des putes livides et belles comme des laminoirs fermés,
qui errent dans les parkings et hantent le pavé.
Dans ma nuit, à l’arrière des usines,
au hasard on devine comme la lumière d’un phare.
Sous l’orage, on peut croire que les quais n’existent que d’un coté, et que plus loin, la plage
La plage...
La plage pleure comme celles,
de ces plages du nord, celles
ou l’orgueil est mort et rongé par le sel.
Liége alors, semble belle...
et tournée vers la mer.
Vers la Mer...
Comme si la ville un jour allait se déchirer,
s’extirper de la terre et puis nous emmener...vers le large.
Dans ma nuit liégeoise, quelques artistes pointus
se disputent, onanistes, le monopole de l’âme et de l’investissement.
Rejouent encore et encore pour la millième fois, les mêmes textes de Brecht
en se félicitant
des risques qu’ils ont pris et de leur engagement
Dans ma nuit liégeoise et orangée se dissolvent amers, les rêves de mon grand-père.
Ses rêves au point levé vermillion qui croyait
dur comme fer
que le peuple allait... se réveiller.
Mais le peuple de liège ne se réveillera plus.
Il dort à poings fermés, d’un gros sommeil de sourd,
et achète aujourd’hui ses rêves... chez Carrefour
Parfois quelque part,
entre mine et mer,
dans l’air délétère de nos cieux de pierre bleue,
Là où les flammes de méthane prennent
ce qu’il restait de ciel,
je crois distinguer ceux
qui dans le noir,
à rêver du grand soir
Se sont brisé les reins,
quand vint le petit matin.