Le corail
"Tendres instants vécus
Tendres instants perdus
Que j’avais épiés !
Que je vais relater !"
Cependant la rame vainquant vals et ravins,
Berçant – ferreuse maman - les tendres destins,
Son long ronronnement rassurant ralentit,
Réveillant doucement ma langueur assoupie.
Haut perchée, une voix grésillait l’incident :
« Panne technique – patienter tranquillement »
« Attendre le secours du diesel salvateur » ;
Et tous subissions la suffocante chaleur !
Ma rêverie abandonnée, mon front sua ;
Un moment indécise puis roulant plus bas,
Je suivais, yeux fermés, chaque perle salée
Dévalant vers mes reins pour s’y caler.
Je considérais le temps qu’il faudrait m’ennuyer,
Exsangue, recourbé sous mes coudes ployés,
Sans geste - pareil à l’éphémère gisant - …
Or, un doux murmure ouvrit mon œil nonchalant !
Ma voisine, susurrant moult cajoleries
A son tendre ami, glissa - douce effronterie
Si proche ! – deux mètres au plus - chignon blond épars,
Glissa - dis-je - vers sa vêture avec grand art !
Alerté, mon œil discerna son bel entrain :
Lui, troublé, quoique langoureux, prisait la main
De celle qui, allegro, œuvrait doctement
Et gérait les pulsions d’un désir turgescent.
Ingénument la main requit l’aide des lèvres.
Alors le jeu s’activa, discret mais sans trêve :
La belle alla, vint – ô l’insouciante sans peur !
A tous, l’amant offrait son sourire candeur.
Un instant pourtant, il baissa ses yeux mi-clos ;
Toujours attentif, les perles suant dans mon dos,
Je devinai cette force incontrôlée
D’où jaillit prestement son envie libérée.
Enfin, cheveux blonds épars encor’ soutenus,
La belle frémit sous la pulsion contenue…
Wagons s’entrechoquant, le Corail s’ébranlait,
Complice, riant, le couple se rajustait …
"Tendres instants vécus
Tendres instants perdus
Que j’avais épiés,
Que j’allais relater !"
Noël F.
Ardèche le 15 Août 1997