…Seule, attablée, distraite
Figée dans son immobilité
Le regard vague dans un espace infini
On dirait une vraie statue
Noyée sous les chants du crépuscule
Les rayons infiltrés
Par des jets intermittents
Lui donnent l’aspect d’une toile
A accrocher dans sa sublimité…
Elle ne se soucie guère
De cette tasse de porcelaine
De son café qui se refroidit
Ni de son pain grillé
Ses yeux fixent un point dans l’ailleurs
Et toute la rumeur qui explose
La musique enflammée du poste allumé
Les rires aux éclats de verres brisés
Ne peuvent la détacher de son repère…
Et le temps bouscule le temps
Et le temps coule sans répit
Le soleil décline à pas de loup
Le soir s’installe en maître absolu
Les lampes allumées déversent d’autres notes
Dans l’indifférence de cette présence
Les clients s’en vont en solitaire
D’autres viennent prendre la relève
Et elle rêve les yeux éveillés
Suit de sa table des scènes invisibles…
Enfin elle sort de sa transe silencieuse
D’un geste lent, sirote de ses lèvres vermeilles
Elle boit doucement, à petites gorgées
Grignote son pain grillé au beurre
Son regard fait le tour du lieu
Un coup d’œil par-ci
Un coup d’œil par-là
Reprend son rituel de rêver encore
Une glace à main lui renvoie son visage
Ajuste ses cheveux couleur de geai
Elle se sourit derrière des yeux lumineux…
Elle se lève, avance la tête haute
Elle est très fière derrière sa démarche
Quitte le lieu sans se détourner
Quelqu’un dit : Qui est-elle… ?
Tous lui répondent de la même voix :
« Une étrangère de passage… »