Entre les galeries climatisées, les voitures luisantes s’étirent sous la pluie et les filles défilent en battant le sol mouillé de leurs jambes fines cernées de bas polissons.
Entre magasins et hôtels, produits de luxe et objets ordinaires, les taxis filent avec leurs passagers occupés de rien et les feux clignotent de chaque côté pour faire régner la circulation.
Entre deux sous-sols, des écrans clignotent en ligne, les fantômes jouent seuls dans le noir le cerveau vrillé par le bruit sourd des machines.
Entre les rues et les pâtés, parfois des ombres minces fouillent une poubelle entre deux parapluies couleur d’usine.
Entre deux vitrines, des abris de bâches et de cartons sales pendent entre les verts néons et les lames de verre.
Entre deux limousines, on pousse à pied un vieux chariot chargé de fruits ou de sable humide.
Entre deux immeubles, un chantier pour le petit dernier, entre deux fers des ouvriers suspendus à un fil sur le vide.
Entre deux parkings, un cimetière démembré pour caser quelques damnés dans la terre.
Entre les usines noires et les tours d’ivoire, de nouvelles fosses pour les charniers de demain ou d’hier.
Entre les autoroutes et la mer qui tanguent, une ville en bois qui flotte comme un bidon, le ventre à l’air et les mains en sang.
Entre les pierres et le béton, des armées de doigts acharnés à creuser la terre, à aspirer quelques gouttes de sève pour nourrir les bas de soie qui leur marchent sur la tête, là-haut, de l’autre côté de la Terre, sur l’avenue en face.
Entre deux océans, deux trottoirs, deux mondes entremêlés s’entraînent à la perdition.