Ce n’est plus de la douleur.
C’est comme une sourde pulsation, inévitable, incessante, une écharde fichée dans le doigt ; c’est la croûte qui démange et dérange, juste une petite blessure irritante, énervante.
C’est un crachin au petit matin, c’est un jour d’octobre alors que l’hiver n’en finit pas de commencer ; c’est la ferme poigne de la faim sur notre ventre, le bourdonnement d’une mouche dans la pièce.
C’est se réveiller chaque jour en sachant que rien n’aura changé, c’est s’endormir chaque nuit en espérant malgré tout, malgré... Quoi ? C’est les trois petits points de suspension au bout de l’énumération. Dieux, qu’ils sont longs, ces interludes ! Quels silences et quelles absences, quelle lente suite de jours, d’heures, de semaines, de secondes, de peurs se cachent derrière leur pudeur...
C’est une abîme de sensations, une odeur dans le vent ; c’est des éveils furtifs au gré du hasard, pour se rendre compte que ce n’était qu’un rêve de plus, finalement, une illusion, et c’est tomber a chaque fois un peu plus profond.
C’est les yeux secs de n’avoir plus de larmes à verser, c’est le sourire entre parenthèses, comme terni et voûté, c’est le regard un peu moins éclairé à chaque seconde qui passe et repasse à n’en plus finir, jusqu’à ce qu’enfin elle se soit écoulée.
C’est le soupir avant les rires, c’est le silence avant la musique ; c’est la vie en noir et blanc, c’est un regard perdu dans l’océan au crépuscule. C’est écrire à n’en plus finir, sans jamais parvenir à exprimer tout ce que c’est, c’est sécher devant la feuille désespérément blanche, c’est chanter à en perdre la voix sans jamais revoir les étoiles aussi brillantes qu’avant.
Mais non, ce n’est plus de la douleur.