« On est heureux,hein ? »
« Oui,la vie nous a gâté »
« Dis-moi que tu m’aimes »
« Je t’aime »
Il sourit d’un air satisfait, porte son verre de whisky aux lèvres puis le repose sur la table de fer forgé.
Ils sont heureux, oui c’est un fait pense t-il en embrassant le jardin du regard.Il ferme les yeux à présnt. Les chants des oiseaux s’intensifient ,la chaleur des dalles de la terrasse est douce à ses pieds nus.
Ils sont heureux.
Dans son dos, de la cuisine aux fenêtres béantes, s’échappe le chuintement odorant de la cocotte minute. « Qu’est ce que tu nous à mijoté ? » « Une estouffade à la provençale, ton plat préféré » « J’ai une faim de loup »
Ils sont heureux.
Il rouvre les yeux,saisi son verre,en boit une gorgée,s’ amuse à faire tinter les glaçons d’un mouvement circulaire du poignet. De l’autre main,il retire sa cravate.
Comme chaque soir en été, il s’est débarassé de sa malette,ses chaussures dans l’entrée , a rejoint le bar en desserant sa cravatte sans l’ôter. « C’est moi.Je te sers un verre ? » Elle sort de la cuisine, une assiette de biscuit apéritif à la main, l’ embrasse d’un léger baiser « Un porto,s’il te plait .Tu as passé une bonne journée ? » « Oui »
Ils se dirigent et s’installent sur la terrasse.C’est le moment de se retrouver. Ils se sourient.
Ils sont heureux.
Cela fait des années qu’ils se sont perdus,cela fait des années qu’il n’aime plus l’estouffade à la provençale,cela fait des années qu’il n’a plus faim d ’elle,de rien,des années qu’il se fait chier à son bureau à gagner cet espèce de bonheur matériel dans lequel ils sont enfermés.Il avale son whisky d’un trait,éteind sa lucidité. « On mange ? » Elle se lève,ramasse les verres.Il prend sa cravatte et l’assiette. Ils s’attablent à présent.
Ils sont heureux.