Statue minérale venue du fond des âges,
Aux couleurs vert grisées de ces terres sauvages.
Son regard irisé, immobile et glacé
Me perce et m’ignore, vaguement agacé,
Par l’humain prétentieux, qui ose, pathétique
Troubler sa pensée aux racines jurassiques.
Une onde furtive court le long de sa crête,
Annonce fugitive d’un geste de la bête.
Pour un motif secret qu’il est seul à connaître
Le tout petit dragon se déplace d’un mètre.
Puis reprend impassible le fil de ses songes,
Qui mènent hors d’un lieu que la détresse ronge.
Une grande sagesse née de la nuit des temps,
D’une époque ignorée, d’avant Eve et Adam,
L’incite à la prudence vis à vis des humains,
Car il faut se méfier de ceux qui ont des mains.
L’animal résigné se mélange à la roche,
Quand ces créatures près de son aire approchent.
Il se rappelle l’indien, l’Arawak pacifique
Traqué par Caraïbe aux instincts horrifiques
Qui mange son prochain comme un simple saurien.
Puis les blancs s’installent, arrogants et vauriens.
Des rêves le hantent, de bateaux amarrés
De noirs qui descendent en troupes effarées...
Tous le chassent, les nobles comme les serviles,
Méprisant son aura de grand ancien des îles
Il revoit leurs pièges, leurs cris de spadassins,
Leurs terribles collets de chasseurs assassins.
Aujourd’hui la distance est sa seule défense
Il n’a pas oublié et méprise les offenses.